Savoir reconnaître les différents cumulus pour comprendre, anticiper et gérer au mieux les grains en mer
Cet article a été rédigé par un blog ami que je vous invite à découvrir. Anticiper les grains en mer est indispensable à la survie de vos voiles. Foncer sous un gros cumulonimbus sans précautions peut en effet s’avérer désastreux. Dans la lignée des tutos météo que vous avez découverts sur la chaîne youtube, notamment sur l’utilisation de Windy, les conseils de Bertrand vous seront précieux. Ils vous permettront même de tirer parti de ces gros nuages pour laisser sur place les autres voiliers. On s’amuse comme on peut 😉
Bonjour à tous,
Je suis Bertrand du blog Réussir sa croisière à la voile et après la belle navigation que vous venez de faire avec Katell jusqu’aux Açores, il m’a semblé intéressant de vous offrir en complément un article dédié aux grains en mer, pour vous permettre, au besoin, de mieux comprendre ces phénomènes météo parfois violents, d’apprendre à les anticiper et de les gérer au mieux pour naviguer en toute sécurité.
Les variations soudaines du vent, tant en direction qu’en vitesse, souvent générées par les grains, font partie des aléas météo que nous autres marins préférons en effet éviter pour ne pas mettre en difficulté bateau et équipage.
Les grains se produisent bien sûr au passage des fronts mais ils peuvent aussi être engendré par des cumulus isolés.
Car les grains se forment à partir de nuages cumuliformes qui se développement à partir de l’étage inférieur de l’atmosphère (< 1500 m) et peuvent apporter, en plus de la pluie, des variations de vent brutales et importantes.
Être vigilant et observer la mer et les autres bateaux fournit déjà des indications précieuses pour déterminer le moment où le vent va forcir ou changer de direction. Et anticiper une manœuvre permet de bien s’y préparer et de l’exécuter au bon moment sans précipitation, plutôt que de se faire surprendre !
Mais il est également essentiel d’apprendre à identifier les nuages, dont le stade de développement est directement corrélé au risque de grains …
Dans la famille cumulus, je veux …
Si le cumulonimbus est le patriarche bien connu de la famille cumulus, redouté pour ces accès de colère parfois effrayants, à l’origine de grains violents et d’orages, les autres stades nuageux sont également d’excellents indicateurs pour anticiper tout risque de courroux céleste et il est donc essentiel d’apprendre à les reconnaître en mer pour adapter, au besoin, sa route, son allure et son jeu de voiles !
Lorsque la couverture nuageuse correspond à des cumulus humilis et / ou médiocris , il fait beau, la visibilité est bonne, il n’y a pas de menace de pluie. Il est donc possible de profiter sans risque du vent créé par les nuages pour mieux faire avancer son voilier.
Mais au-delà du stade médiocris, lorsque les conditions atmosphériques sont propices aux développement vertical des cumulus, la pluie arrive souvent accompagnée de violentes rafales de vent … et là, la méfiance s’impose.
Les cumulus peuvent se classer en deux grandes catégories car, selon leur état de maturité, ils peuvent être :
- En développement, et non pluvieux
- En phase de dissipation, et pluvieux
Les cumulus non pluvieux, en phase de développement
Dans une masse d’air instable, toute parcelle d’air humide se réchauffe par sa base et s’élève petit à petit. En gagnant ainsi en altitude, elle se refroidit et se condense : un nuage se forme mais les échanges verticaux restent modérés entre la base et le sommet.
A ce stade de développement, l’air sous le nuage monte (vue 1), ce qui crée un appel d’air tout autour du nuage. Le nuage donne alors l’impression d’aspirer le vent autour de lui (vue 2).
Cette aspiration peut venir modifier le vent préalablement existant (vent synoptique) en s’y ajoutant (vue 3).
Les nuages correspondant à ce stade de développement sont les cumulus humilis et les cumulus médiocris
Cumulus humilis
Il s’agit du cumulus de beau temps typique mais il est le premier indicateur d’ascendances thermiques, pouvant conduire à la formation d’autres cumulus plus menaçants.
La visibilité est bonne sous ce type de nuage et la turbulence y est modérée.
Il s’agit du tout premier stade de développement.
Cumulus médiocris
Ces nuages sont plus hauts dans leur développement vertical que les cumulus humilis. Leur sommet présente des protubérances peu développées.
Ils présentent une base horizontale souvent légèrement plus sombre que celle des cumulus humilis.
La visibilité est généralement bonne sous ce type de nuage mais la turbulence commence à y être assez forte.
Le stade de développement « médiocris » précède les stades « congestus » et « cumulonimbus ».
Dans le cas d’un cumulus en développement (c’est-à-dire non pluvieux), le vent sera toujours plus fort à l’arrière du cumulus et moins fort à l’avant. Par ailleurs, une bascule du vent à droite se produira à la droite du nuage et une bascule du vent à gauche s’observera à la gauche du nuage.
Ces phénomènes ne sont généralement pas très forts et il est donc intéressant de chercher à profiter du vent supplémentaire créé par le nuage, ou de sa rotation, pour améliorer l’allure et donc la marche de son voilier.
Pour cela, mieux vaut se positionner en bordure du nuage ou dans sa partie postérieure en évitant soigneusement son centre où le vent fait défaut. Mais prendre en compte le sens et la vitesse de déplacement du nuage pour se placer correctement est souvent plus facile à dire qu’à faire !
Utiliser le vent d’un cumulus au près
Lorsque le nuage arrive, on navigue bâbord amure afin de se diriger vers la droite du nuage.
Dès que le vent refuse franchement, on vire tribord amure pour profiter de l’adonnante sur ce bord.
Lorsque le nuage s’éloigne et alors que le vent revient à sa direction initiale, on vire à nouveau pour se remettre bâbord amure.
Utiliser le vent d’un cumulus au portant
Lorsque le nuage arrive, on navigue tribord amure afin de se diriger vers la gauche du nuage
Dès que le vent adonne, on empanne pour venir bâbord amure et profiter du vent du cumulus sur ce bord.
Lorsque le nuage s’éloigne, et alors que le vent revient à sa direction initiale, on empanne à nouveau pour se remettre tribord amure.
Les cumulus pluvieux, en phase de dissipation
Lorsque le refroidissement en altitude amène un mouvement d’air descendant violent (vue 1), accompagné de pluie, le nuage atteint son stade de maturité.
Le nuage donne alors l’impression de recracher de l’air par son centre (vue 2), tout autour de lui, et ce dernier vient s’ajouter au vent synoptique.
Dans le cas d’un cumulus en phase de dissipation (c’est-à-dire pluvieux), le vent sera plus fort à l’avant et moins fort à l’arrière (vue 3).
Sur les côtés, une bascule du vent à gauche se produit à la droite du nuage et une bascule du vent à droite apparaît à la gauche du nuage.
En navigation, on cherchera donc plutôt les bordures du nuage et sa partie antérieure, en évitant toujours son centre.
Attention à ne pas se faire surprendre par la brusque inversion de la direction du vent et de retrouver d’une situation de vent de face à une situation de vent arrière (ou inversement), compte tenu de la violence potentielle des vents générés.
Les cumulus correspondant à ce stade de maturité / dissipation sont les cumulus congestus et les cumulonimbus, sous lesquels les risques d’orage et les fortes rafales sont importants.
En leur présence, mieux vaut de jamais perdre de vue les grains afin de pouvoir anticiper toute évolution violente du vent, en force comme en direction.
Cumulus congestus
Les cumulus congestus sont plus haut que large et présentent généralement un aspect de chou-fleur allongé sans enclume formant des cheminées dans lesquelles des mouvements de remous sont facilement observables. la turbulence y est souvent forte.
Ils peuvent être à l’origine d’averses de pluie ou de neige mais pas de foudre.
Les cumulus congestus sont souvent, mais pas systématiquement, associés à des cumulonimbus à l’origine d’orages ou de grains forts présents ou à venir
Cumulonimbus
Ce nuage géant et menaçant est large de 5 à 15 km. Il présente la plus grande extension verticale de tous les cumulus et peut s’élever jusqu’à 15 km d’altitude sous nos latitudes. À son sommet, le cumulonimbus se heurte à la tropopause et s’étale largement, ce qui lui donne sa forme générale d’enclume. L’’énergie qu’il renferme peut être impressionnante : les plus gros rivalisent avec l’énergie de la bombe atomique de Nagasaki et leurs courants ascendants peuvent atteindre jusqu’à 140 km/h.
Le cumulonimbus, roi incontesté des nuages, est caractéristique des phénomènes orageux intenses.
Surveiller les cumulus en mer comme au mouillage !
Le passage d’un grain à proximité d’un mouillage conduit également à une bascule temporaire du vent, pouvant aller jusqu’à 180° en fonction du vent synoptique et de la position du grain par rapport au mouillage.
Il arrive donc qu’un mouillage parfaitement abrité du vent dominant se transforme en véritable piège pendant quelques heures avec une mer et un vent, parfois forts, portant à la côte.
La présence de cumulus et la détermination de leur stade de développement est donc à prendre sérieusement en compte au moment de choisir son mouillage si le ciel se couvre ou que les prévisions annoncent des grains.
Nous nous souvenons de notre semaine passée aux îles éoliennes, bien connues pour leurs violents orages. Chaque soir, le passage d’un orage générait du vent dans le mouillage mais levait également un clapot important et inconfortable, l’espace d’une ou deux heures … le temps de semer quasi-systématiquement la zizanie parmi les plaisanciers !
Si cet article vous a intéressé et que vous souhaitez aller encore plus loin, notamment sur les outils permettant de prévenir les grains et les orages, n’hésitez pas à découvrir également mon article « Comment éviter les grains et les orages en mer : 3 outils utiles à connaître et à maîtriser ! ».
Je vous souhaite bon vent, et bonne mer