Apprendre à naviguer,  idées de croisière

Entraînement à la navigation par gros temps


Nous en sommes à notre 5e week-end depuis le début de mon défi de 52 idées de croisières en Bretagne, en tenant compte des conditions réelles.

Or les conditions réelles de la Toussaint sont pires que celles du week-end précédent: plus de vent, plus de pluie, plus de vagues. Meteo France annonce une hauteur des vagues maximale de 12,8m sur la zone côtière… La seule chose qui a baissé c’est l’amplitude de la marée.

Le secteur du vent sera stable: ouest, ouest-sud-ouest, ouest-nord-ouest… que désormais je noterai W, WSW et WNW pour plus de facilité, allright?

windguru

 

Alors, on reste au port?

Que nenni! Deux possibilités s’offrent à nous: soit nous promener en fond de rade, vers Térenez, comme je l’ai proposé le week-end dernier. Pas de remontée de l’Aulne cependant car l’heure de la marée nous ferait passer l’écluse à la nuit, et la rivière n’est pas éclairée.

L’autre option serait de nous entraîner à la navigation par gros temps.

La notion de gros temps peut varier d’un équipage à l’autre, et d’un bateau à l’autre: plus le voilier est petit, plus l’inconfort se fait sentir et plus les vagues paraissent hautes. Mais quelques soient vos références, je vous assure que cette fois-ci nous avons déjà de quoi vivre de belles sensations.

Il ne s’agit pas cependant de provoquer le sort.  Je vous invite d’ailleurs à lire le témoignage fort instructif des sauveteurs de la SNSM rescapés d’un naufrage lors d’un sauvetage aux Sables d’Olonne pendant la tempête Miguel.

Pouvons-nous sortir de la rade pour goûter des joies du gros temps? Sans doute serait-il possible de se rendre à Camaret dans ces conditions, mais je me sentirai irresponsable de vous proposer ce genre d’exercice. En effet à la moindre avarie, si près des côtes, vous pourriez très vite vous trouver dans une situation scabreuse.

Pourquoi il serait très difficile de sortir du Goulet de Brest.

Si nous attendions la marée descendante nous subirions les effets du vent contre le courant dans le Goulet.  Ce qui signifie qu’à la marée descendante, le courant va s’opposer au vent fort et aux vagues.   Windy nous annonce une houle de 2 mètres mais surtout une hauteur moyenne des vagues de 5 mètres en mer d’Iroise. Le résultat peut être assez catastrophique. Vous êtes déjà monté dans une machine à laver?

Je me souviens d’une régate Inter-entreprises plus de 20 ans en arrière. La météo était à peu près identique. Le départ a quand même été donné. Or un des voiliers engagé, construit en contreplaqué, a vu exploser un de ses bordés en retombant dans une vague. Dans mon souvenir, il est parvenu à s’échouer sur la cale de Saint Anne du Porzic ce qui lui a évité de couler définitivement.

gros temps en mer d'Iroise

D’un autre côté si nous essayions de sortir avec le vent et le courant contre nous, cela risque d’être laborieux, voire impossible.

La solution la moins pire serait donc de nous présenter devant la passe une demi-heure à une heure avant la pleine mer (PM-1), soit vers 13h30. Le temps de tirer des bords, nous sortirions du goulet à l’étale, évitant ainsi les forts remous. Mais nous ne le ferons pas.

La veille des vérifications s’imposent.

Le bateau doit être en bon état. Si votre moteur donne des signes de fatigue, que la chute de votre génois commence à se déchirer où que l’enrouleur est de plus en plus dur à actionner, ne sortez pas. Réparez plutôt.

Faites également le tour du matériel de sécurité. Vérifiez ou bien montez des lignes de vie. Inspectez les brassières-harnais et les mousquetons des longes qui parfois se grippent.

Enfin le matin du départ assurez vous d’avoir suffisamment de gas-oil pour ne pas désamorcer le moteur si vous devez vous en servir à la gîte, et fermez-bien tous les capots. Installez l’étai largable si vous en avez-un et endraillez votre plus petit foc. Avant de quitter le port chaque équipier devra porter son gilet et sa longe au-dessus de ses vêtements de mer.

naviguer par gros temps

Réglez vos voiles

Un conseil: lorsque vous serez au près et que vous aurez besoin de puissance pour passer les vagues: réglez vos voiles aux petits oignons! Ne portez ni trop, ni pas assez de toile. Profitez de l’abri de la rade pour trouver la configuration idéale. Si je ne devais parler que d’un réglage, je citerai le point de tire du génois. Au près dans du vent fort positionnez le chariot sur le rail du génois de sorte que la voile soit la plus plate possible une fois bordée. Idéalement, la chute devrait être légèrement ouverte pour laisser le vent s’échapper sans trop faire giter le bateau et la bordure plutôt fermée. Trop de plaisanciers oublient ou méconnaissent ce point quand ils naviguent avec le génois partiellement enroulé.

Pour vous aider, je cite ce passage de Bertrand Chéret dans son ouvrage Les voiles, comprendre, régler, optimiser: « Certains auteurs donnent un angle de tire de prolongement de l’écoute sur la voile de 10° au-dessus de la bissectrice, ou un rapport sur le guindant de 2/3. (…) Ces repères, qui peuvent être utiles, sont fonction des proportions de la voile (…) une fois qu’on a retenu un réglage moyen convenable, il peut être intéressant de placer sur la voile un trait dans le prolongement du point d’écoute. »

Ensuite si, le cœur vous en dit toujours, c’est-à-dire si vous n’avez pas trop le mal de mer et que vous n’êtes pas trop stressé, vous pourrez essayer quelques techniques de navigation dans le gros temps: la cape et la fuite.

entraînement à la navigation par gros temps

Mettez-vous à la cape

Je vous propose donc de remonter au près jusqu’à la pointe des Espagnols .

L’idée est de vous positionner de sorte à disposer de suffisamment d’espace libre de tout danger pour vous mettre à la cape et vous laisser dériver au moins 15-20 minutes, le temps de réchauffer un café et de le boire.

Pour exécuter cette manœuvre depuis une allure de près, il vous suffit de virer sans toucher aux écoutes. Ce dernier va rester gonflé à contre, vous pousserez alors la barre sous le vent, c’est à dire vers la grand-voile. Votre voilier s’immobilisera et commencera à dériver lentement à une allure entre le bon plein et le travers. En bonus, l’eau déplacée par la dérive aplatira la mer au vent du bateau ce qui devrait améliorer votre confort.

navigation par gros temps: la cape

 

Pratiquer cette manœuvre  vous donnera de l’assurance, reproduisez-là également dans des conditions de mer plus difficiles que celles de la rade de Brest. Désormais vous saurez que vous pouvez toujours vous arrêter en pleine mer pour réparer, reprendre des forces, quelque soit le temps.

Partez en fuite

Une fois réchauffés, vous allez repartir en fuite cette fois. Vous  Avant de relancer le bateau, toujours à la cape, vous aller affaler la grand-voile complètement. Ferlez-la soigneusement. Puis abattez en grand vers le port du Tinduff ou Térenez. En fuite, sous foc seul, vous ne craindrez pas l’empannage. Par contre l’état de la mer vous obligera à bien doser la quantité de toile. N’hésitez pas à dérouler un peu de génois si nécessaire. Pas trop pour ne pas perdre le contrôle dans une aulofée, suffisamment pour vous offrir quelques petits surfs ! Evitez quand même le plein vent arrière, même si c’est la route la plus courte. Essayez de tirer des bords de grand largue, vous verrez que vous roulerez moins, le bateau sera infiniment plus stable.

Pour la soirée, vous pourrez revenir à Brest, rester au mouillage au Tinduff ou à Térenez sur un coffre destiné aux visiteurs.

Et voilà une première initiation à la navigation par gros temps. Quand vous serez à l’aise avec la cape et la fuite, vous pourrez envisager de naviguer plus au large en sécurité!

Amusez-vous bien!

 

 

 

 


2 Comments

  • Jean-marc Ducrocq

    Bonjour
    J’adore ce que vous faites.
    J’ai commencé la voile à 58 ans dans un club de voile sur un petit lac pour devenir propriétaire dun maxus 21 à 60 ans.
    Naviguant majoritairement en solitaire en mer à Dunkerque avec ma faible d’expérience j’envisage de changer de bateau pour un autre plus marin ( je l’espère ) un dehler 25 (transportable) ou un dehler 28.
    Effectivement je me suis fait surprendre par des creux de 2 à 3 m par force 6 à 7 sur mon maxus 21 moteur( hors bord) je n étais pas fier
    Je pense qu’avec un dehler 25 (moteurs inbord)je devrais avoir plus de sécurité et de possibilités de sortie.
    Car aujourd’hui je me limite peut être un peu trop sur les possibilités de sorties.
    Le dehler 25 serait il un bon choix car il reste transportable et m’ouvre théoriquement d’autre plan de navigation au me faut il le 28
    Je suis amoureux des dehler
    Bien à vous
    Merci de votre réponse

    • Katell

      Bonjour Jean-Marc, difficile de vous répondre avec précision sans mieux vous connaître. Effectivement il est temps pour vous de passer à un voilier plus marin. Si vous êtes certain de transporter votre 25 pieds vers d’autres plans d’eau que ceux que vous pratiquez habituellement pourquoi pas. Mais attention à pouvoir le mettre à l’eau et le mâter/démâter facilement, et de garer votre remorque à proximité du point de mise à l’eau. Il y a donc quelques inconvénients. Avec un 28 pied, et le Dehler 28 a très bonne réputation, la Manche est à vous par contre. Vous pourrez traverser sans crainte et gagnerez beaucoup en confort, cela augmentera votre rayon d’action, d’autant que vous irez un peu plus vite. Vous pouvez même descendre vers Belle-île et envisager de traverser (quand vous aurez plus d’expérience) le Golfe de Gascogne. A priori c’est plutôt ce choix que je ferais d’après ce que vous écrivez.

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