Radar ou AIS : Quel Instrument choisir pour naviguer dans le brouillard ?
Naviguer dans le brouillard peut être à la fois stressant et dangereux, mais également magique et inoubliable. En réalité la réussite de l’expérience beaucoup de votre préparation, votre équipement et de l’âge l’expérience du capitaine 😉
Si vous voulez vous immerger dans ces ambiances je vous invite à revoir sur ma chaîne Youtube, ces images de navigation dans un brouillard à couper au couteau, le long de la côte de la Nouvelle-Écosse au Canada, entre Canso et Halifax.
Aujourd’hui, j’aimerais aborder deux outils essentiels pour améliorer la sécurité de votre navigation dans ces conditions : le radar et l’AIS (Automatic Identification System). Je trouve que le fonctionnement de ces systèmes n’est pas toujours bien compris des plaisanciers.
Par exemple, certains sont persuadés que tous les navires seraient visibles à l’AIS, alors que ce n’est absolument pas le cas. Quant au radar, son utilisation est beaucoup plus aisée qu’il n’y paraît. D’ailleurs tant pis si je spoile déjà la fin de l’article, il est pour moi d’une aide à la navigation inégalable dans le brouillard.
Comment fonctionnent l’AIS et le radar ?
L’AIS est un système d’identification automatique utilisé pour échanger des informations entre les navires équipés de cet instrument, permettant ainsi de visualiser le trafic maritime sur un écran. Il fonctionne en transmettant des signaux radio VHF pour échanger des données avec d’autres navires équipés d’un AIS. Il vous donne leur position, leur direction, leur vitesse, leur taille, leur nom et leur destination.
Le radar, quant à lui, est un système de détection d’obstacles qui utilise des ondes électromagnétiques pour détecter les objets en mouvement dans l’environnement proche d’un bateau. Les informations fournies par le radar incluent la distance, la direction, la vitesse et la taille des objets détectés. Il vous permet de surveiller les dangers potentiels et les obstacles tels que les navires, les îles, les côtes ou les tempêtes.
En termes d’utilité pour les navigateurs de plaisance, l’AIS permet de connaître la position des autres navires équipés de ce système et seulement eux. Le radar, lui, permet une surveillance de l’environnement proche du bateau pour détecter les obstacles (navires, balises, côte.) et les grains.
AIS: vous ne verrez pas tous les navires!
L’AIS est de plus en plus utilisé par les navigateurs pour améliorer leur sécurité et leur efficacité lorsqu’ils naviguent en mer. Il existe deux types d’installation AIS pour les voiliers : l’installation réceptrice seule et l’installation transpondeur.
L’installation réceptrice seule est la solution la plus courante, la plus simple à mettre en œuvre et la moins chère.
Couplé à la VHF dont il partage l’antenne, l’AIS consomme très peu d’électricité. Il permet aux navigateurs de recevoir les signaux émis par les autres navires équipés de transpondeurs. Cela leur permet de voir où se trouvent les autres navires autour d’eux, leur vitesse et leur direction. Cependant, cela ne signifie pas que les autres navires peuvent les voir. En effet, puisque l’AIS est un système de réception uniquement, les autres navires ne seront pas en mesure de détecter votre bateau. Sauf s’ils ont un radar ou un autre moyen de détection.
L’installation émettrice-réceptrice, à l’aide d’un transpondeur, est une solution plus coûteuse mais plus complète.
Elle permet non seulement de recevoir les signaux AIS des autres navires, mais aussi de transmettre des informations AIS à d’autres navires équipés de récepteurs AIS. Cela signifie que votre bateau peut être vu par les autres navires, ce qui améliore considérablement la sécurité en mer.
Concrètement, l’installation d’un émetteur/récepteur implique la mise en place d’un transpondeur AIS à bord de votre bateau. Le transpondeur est connecté à une antenne AIS qui est montée en hauteur pour assurer une couverture maximale.
Il est également possible d’utiliser l’antenne VHF de votre voilier pour l’AIS. Pour ce faire, vous devrez installer un coupleur d’antenne VHF/AIS.
Les applications AIS: une aide toute relative.
En navigation côtière, vous pouvez tester une de ces applications (Marine Trafic par exemple) qui vous permettent de connaître la position des navires équipés d’AIS dans le monde entier. Vous pouvez même enregistrer votre bateau dans l’appli et le faire suivre via le GPS de votre téléphone.
Le problème est que la position des navires sur ces sites internet n’est pas mise à jour en temps réel. Il peut s’écouler plusieurs heures avant que ce ne soit le cas. Résultat, vous risquez de vous retrouver dans la brume à guetter anxieusement la présence d’un cargo à un demi-mille de votre position alors qu’il est déjà loin.
Pour ma part en Nouvelle-Écosse j’ai voulu m’en servir pour estimer la densité du trafic commercial (en principe tous les navires de commerce en sont équipés) à l’entrée d’Halifax. Mais j’ai finalement eu de meilleures informations en interrogeant les gardes-côtes par VHF.
Le Radar: il voit presque tout, mais pas dans toutes les conditions.
Plus ancien dans nos usages, le radar à bord des voiliers est connu pour consommer beaucoup d’électricité, être coûteux et son affichage difficile à interpréter. Or c’est moins le cas aujourd’hui: les unités modernes sont beaucoup moins gourmandes en énergie et de moins en moins chères. Il existe notamment des antennes Bluetooth qui peuvent se coupler à une tablette, vous économisant le prix d’un écran.
L’interprétation demande encore un peu de pratique, mais avec un peu d’entraînement un enfant de 10 ans peut très bien y arriver, donc vous aussi 🙂
Pour moi le gros avantage du radar est qu’il peut détecter quasiment tout ce qui dépasse du niveau de la mer. Ce qui vous assure en principe de voir tous les bateaux, qu’ils soient ou non équipés d’AIS, mais aussi les balises, les récifs, la côte et les entrées de port, et même les grains et les lignes orageuses..
Dans les faits c’est un peu plus compliqué dès que la mer se lève. Malgré les filtres électroniques, les vagues et la houle vont intercepter une partie les échos avant qu’ils n’aient atteint une cible, et générer des échos parasites. De plus si la cible est trop éloignée, trop petite, ou trop basse, vous ne la verrez à l’écran que lorsqu’elle sera très proche de vous. Pour limiter cet inconvénient, il vaut mieux installer l’antenne radar le plus haut possible (mais pas trop non plus parce qu’on n’aime pas avoir du poids dans les hauts, et que le balan augmente avec la hauteur).
Transpondeur AIS + Radar Voir et être vu, le combo parfait?
S’il fallait choisir entre l’AIS et le radar, sans tenir compte des contraintes de coup, d’installation et d’énergie, je choisirais le radar sans hésiter.
Mais si je devais acheter une VHF fixe neuve pour mon voilier, vu son coût et sa simplicité de mise oeuvre je ne me priverai certainement pas d’un récepteur AIS
Le point faible de l’AIS réside dans la législation. Les transpondeurs ne sont obligatoires que sur les navires de plus 300 tonneaux et les navires à passagers (ferries, bacs, paquebots). Ce qui fait que tous les navires n’en sont pas équipés, loin s’en faut.
Autrement dit, avec un récepteur AIS vous ne verrez pas nécessairement un bateau de pêche ou une vedette foncer sur vous par visibilité réduite. De la même façon, même si vous vous équipez d’un transpondeur AIS, vous ne serez visibles que par les navires disposant d’un récepteur AIS.
De ce point de vue l’AIS peut même générer une fausse sensation de sécurité vis à vis du risque de collision.
A l’approche d’Halifax un samedi après-midi dans une zone réputée, comme Terre-Neuve, pour son brouillard dense l’été, j’ai été surprise par la quantité de bateaux de plaisance qui n’étaient équipés ni de radar, ni d’AIS, ni même de réflecteur radar.
Je ne les repérais parfois que 2 ou 3 minutes au radar avant de les voir, ce qui était très stressant et dangereux, mais moins que si je n’avais disposé que de l’AIS. A tel point qu’un de ces voilier, voyant mon radôme, a fini par se placer dans mon sillage pour rentrer en toute sécurité au port.
Quelle configuration choisir pour votre voilier?
Au final si vous envisagez de naviguer dans le brouillard, comme on en rencontre l’été sur des eaux relativement froides (Manche, Merd du Nord, Portugal, alentours de Terre-Neuve), le radar est selon moi un instrument indispensable, plus utile que l’AIS.
Il en va de même dans le mauvais temps, en particulier la nuit au large où l’état de la mer et les grains réduisent grandement la visibilité.
Pour les zones fréquentées par des cargos, près des rails par exemple (Ouessant, La Corogne, Gibraltar etc.), un transpondeur AIS complètera idéalement votre équipement.
En grande traversée le combo des deux augmentera grandement vos chances de survie si vous vous endormez pendant vos quarts.. En plus il facilitera vos atterrissages de nuit dans des ports inconnus.
Enfin, même en nav côtière, pensez au réflecteur radar… il ne coûte presque rien, ne consomme rien et peut vous sauver d’une collision.
Alors quel est votre choix?