cormorans posés sur un dériveur
idées de croisière

Comment observer les oiseaux en voilier


Lorsque vous avez commencé à naviguer, soupçonniez-vous l’immensité de l’univers qui s’offrait à vous?

Un univers technique, sportif, mais aussi une nature complexe minérale et vivante, que vous ne cesserez jamais de découvrir. Parmi ces merveilles, je vous propose aujourd’hui d’observer attentivement les oiseaux du large et du littoral depuis le pont de votre voilier.

Même si vous avez prévu de vous concentrer sur le réglage de vos voiles ou d’installer une nouvelle prise USB dans le cockpit.

Lâchez votre écoute ou votre fer à souder quelques minutes et voyez ce Fou de Bassan qui se jette en piqué de trois fois la hauteur du mât dans un banc de sardines.

Écoutez le cri rauque (et quelque peu agaçant) de la colonie de Puffins cendrés dans la falaise au-dessus de vous.

Vous vous êtiez cru seul au mouillage?

Certainement pas.

Des centaines, peut-être des milliers d’oiseaux nichent, se reproduisent et se nourrissent à quelques longueurs de votre coque.

Il se peut aussi qu’un enfant égaré à bord vous demande le nom de ces volatiles. Sauf que, mis à part le Goéland et la mouette, que vous ne différenciez pas toujours très bien, votre culture ornithologique est assez limitée.

observer des colonies d'oiseaux en voilier
Colonie de fous de bassan sur Little Skellig, Irlande

L’enfant s’empare tout de même des jumelles et poursuit sa litanie de questions.

« Et pourquoi ils ne volent pas tous? »

« Beeeerrk!! les groooosses tâches noires sous le ventre! Il s’est sali ou quoi ?! »

« Regarde le grand noir là-bas, on dirait qu’il fait sécher ses ailes. Mais pourquoi? Il n’aime pas quand elles sont mouillées? »

A ce moment là vous vous souvenez que vous vous étiez promis d’acquérir un guide des oiseaux. La prochaine fois sans faute?

Il est vrai qu’il est plus facile de profiter du spectacle si vous êtes équipé.

Faut-il un équipement particulier pour observer les oiseaux en voilier?

La bonne nouvelle est que vous avez probablement déjà ce qu’il vous faut.

Les oiseaux marins sont souvent curieux des navires. Ils s’approchent assez facilement, parfois ils vont jusqu’à se poser sur le pont.

Vous pourriez donc presque vous passer de jumelles pour débuter votre carrière d’ornithologue.

Mais avec celles du bord, vous améliorerez grandement votre expérience.

De bonnes jumelles

Les jumelles marines ont généralement un grossissement de 7 et un diamètre d’objectif de 50mm.

La largeur de leur champ de vision varie selon les modèles ainsi que leur luminosité, le traitement des verres etc.

Certaines sont dotées de compas de relèvement.

Selon mon expérience ces jumelles servent peu, essentiellement pour identifier les balises ou repérer les entrées de port. Et pour relever les amers un compas de relèvement suffit généralement, quand vous ne vous fiez pas entièrement à votre appli de navigation.

Celles que j’ai trouvées à bord de la plupart des voiliers à bord desquels j’ai navigué étaient de qualité médiocre, il était difficile de faire le point, et je suis bien contente de n’avoir jamais eu à repérer un homme à la mer avec elles. Bien sûr il en existe de bonne facture mais elles sont rarement une priorité dans l’inventaire déjà bien onéreux d’un bateau.

observer les oiseuax en voilier avec des jumelles

Si vous n’en avez pas encore acheté, je vous suggère d’en choisir une paire de meilleure qualité, un peu plus adaptée à l’observation des animaux, et notamment des oiseaux.

Vous pourrez choisir un grossissement plus élevé, disons 8, mais pas plus car au-delà si le bateau bouge vous aurez du mal à garder votre cible dans votre champ de vision, ou alors elle sera floue.

Quant au diamètre, je ne descendrai pas au-dessous de 42mm histoire de rester efficace en basse lumière.

Ainsi avec une optique 8X42, et si possible un champ de vision bien large (Au moins 120m) vous pourrez aussi bien visualiser les éventuels dangers, bateaux de pêche et amers que les oiseaux perchés sur les récifs.

Bien sûr vous vous assurerez de l’étanchéité de votre instrument, mais c’est généralement le cas.

Comme j’ai la chance de naviguer dans une zone se prêtant bien à l’observation des oiseaux, je me suis équipée de ces jumelles GPO Passion ED 8X42, le vendeur était très réactif et arrangeant, donc je vous recommande sa boutique.

Elles vous paraîtront peut-être un peu cher (429€), mais vous pouvez certainement commencer avec une paire légèrement moins performante comme ces Nikon Monarch 5 pour 299€. En-dessous de ce prix, je ne sais pas trop ce que vous verrez.

Un guide ornithologique pour reconnaître les oiseaux depuis votre voilier

Observer c’est bien, nommer et comprendre c’est mille fois plus intéressant! Difficile en effet de partager vos observations et de vous renseigner sur les mœurs des oiseaux si vous ne savez pas les reconnaître.

Le hic c’est qu’on compte environ 10 000 espèces d’oiseaux recensées sur notre belle planète. Vu comme cela ça semble un peu inaccessible. En réalité les oiseaux de mer sont beaucoup moins nombreux: seulement 305 espèces identifiées dans cet ensemble. De plus ils sont répartis suivant des aires géographiques qui en excluent pas mal de votre zone de navigation.

Au final, en Bretagne vous pouvez démarrer avec les 50 espèces proposées par l’association Bretagne vivante, dans son petit dépliant à 3€.

Pour débuter en Méditerranée l’ouvrage Oiseaux du littoral et des îles de Méditerranée présente en détail 80 espèces et surtout il vous dit où et quand les trouver! Il convient bien aux débutants et aux enfants.

La place et le poids étant comptés sur mon propre voilier, j’ai préféré télécharger l’application Le Guide Ornitho sur mon smartphone pour 16€.  Ce guide est une bible pour la zone Europe, Afrique du Nord et Moyen Orient, et la version numérique est assez bluffante avec des vidéos et des enregistrements du chant des oiseaux.

Si vous préférez le papier, vous trouverez Le guide ornitho dans toutes les bonnes librairies. Il est édité par Delachaux et Nestlé.

observer les oiseaux en kayak

Un Kayak ou une annexe

Bien sûr vous pourrez mener vos observations en route du pont de votre bateau ou encore au mouillage.

Néanmoins, si vous êtes au mouillage justement, une petite promenade à la rame en annexe ou en kayak vous rapprochera encore plus des sites de pêche et de nidification.

Si vous utilisez un paddle, je pense qu’il vaudra peut-être mieux vous asseoir car vous paraîtrez bien imposants debout agitant vos longues rames. Essayez, et dites moi si je me trompe sur ce point.

Où observer les oiseaux à partir d’un voilier?

Comme je le disais plus haut vous avez deux possibilités: ou bien vous naviguez, ou bien vous êtes au mouillage. Bon oui, c’est vrai que vous pouvez aussi vous laisser dériver!

En navigation hauturière

Au large vous rencontrerez des espèces pélagiques, qui vivent en haute mer en dehors des périodes de reproduction. Parfois vous verrez de petits migrateurs égarés se poser sur votre balcon, totalement épuisés. Ces derniers ne survivront probablement pas car ils ne se nourrissent que d’insectes et de vers…

Albatros dans les mers du Sud

Les plus connus des oiseaux du large sous nos latitudes sont les fous de bassan, les pétrels, les fulmars, puffins fuligineux etc. Dans les mers du sud vous rencontrerez aussi des albatros et vers les tropiques des frégates.

Si vous en apercevez volant en groupe au raz des flots, c’est que probablement ils suivent la chasse de dauphins ou de thons. Quand je les vois ainsi affairés, je sors toujours ma ligne de pêche au gros, et souvent avec succès. Et si elle est déjà à l’eau, j’en mets une deuxième!

De tels spectacles vous feront votre journée et vous serez bien content d’avoir de bonnes jumelles pour bien en profiter.

En grande traversée vous ne verrez plus les fous de bassan que jusqu’à 400 ou 500 milles des côtes. L’apparition de nouvelles espèces fait partie de cet ensemble de signes qui vous indiquent l’approche de la terre.

En navigation côtière

observer les oiseaux depuis un voilier

Plus vous naviguerez près de la côte et plus vous verrez d’oiseaux. L’avantage de nos voiliers et qu’il nous permettent de nous rapprocher des colonies installées sur les îlots, les falaises et les récifs inaccessibles depuis la terre. Ne vous avisez pas pour autant d’y débarquer sans vous êtes renseigné préalablement. Pendant la période de nidification beaucoup de ces rivages sont interdits pour des raisons évidentes.

Les estuaires et les rias ou abers regorgent également d’oiseaux de mer et de terre. Les bancs de sable et de vase cachent des milliers de vers, coquillages et petits poissons qui font le repas des limicoles, ces petits échassiers.

Au mouillage

Si vous êtes un lève-tôt ou bien que vous êtes prêt à différer l’heure de l’apéro, il se dit que c’est en début et en fin de journée que la plupart des oiseaux sortent se nourrir. Vous pouvez les observer le verre dans une main, les jumelles dans l’autre. Vous pouvez aussi poser votre verre le temps d’une observation 🙂

En réalité vous pouvez observer les oiseaux à toute heure du jour ou de la nuit, tout dépend des espèces qui fréquentent votre environnement.

Les oiseaux de rivages, les limicoles, suivent par exemple le rythme des marées. Dès que l’eau commence à descendre ils sortent pour débusquer vers et coquillages dans la vase.

Quant aux rapaces, j’ai lu qu’ils adoraient se glisser dans les courants d’air chaud ascendants, aux alentours de midi.

Bref, le mieux sera sans doute de mettre à l’eau votre annexe ou votre kayak pour visiter tranquillement le site. Une promenade sur la berge, si cela est permis, vous offrira encore plus d’opportunités.

Repérer les réserves naturelles

Si vous voulez mettre toutes les chances de votre côté, faites une recherche sur Internet pour repérer les réserves naturelles présentes dans votre zone de navigation. Et croyez-moi ce n’est pas ce qui manque, surtout sur les côtes françaises!

En Bretagne vous pouvez, par exemple, visiter le parc marin d’Iroise, l’archipel des Glénans,  la baie de Saint Brieuc, les sept-îles et le Golfe du Morbihan: pingouins, guillemots, cormorans, vous allez vous régaler! Et pour commencer vous pouvez vous rendre à Molène en suivant ce tuto du blog.

L’association Bretagne Vivante publie chaque mois un article sur un nouvel oiseau. De quoi progresser tranquillement.

La Méditerranée n’est certainement pas en reste même si la Camargue reste la plus grande réserve ornithologique de France. Seulement voilà, en voilier, ça manque un peu de fond!

flamants roses en camargue

Il vous faudra plutôt visiter toutes les petites et grandes îles, comme les archipels marseillais sans oublier la Corse et la réserve de Scandola qui regorgent de belles surprises.

La seule chose dont il faut bien vous souvenir: l’accès à ces réserves naturelles, et notamment le mouillage est réglementé, donc vraiment, pour ne pas nuire aux oiseaux, prenez le temps de vous renseigner.

On passe à l’action!

Mes nouvelles jumelles viennent à peine d’arriver et il me tarde de les étrenner!

Parce que, oui… je dois vous avouer que j’ai de grosses lacunes en ornithologie!

J’aurais bien aimé vous décrire attentivement quelques espèces, mais je vais attendre d’avoir un peu plus d’expérience.

Et puis je trouve il n’est pas si facile de s’approcher des oiseaux.

Je l’ai constaté à mes dépens. A la réception de mes jumelles toutes neuves, j’étais comme une gamine avec un nouveau jouet. Le soir tombait, je me suis dit que c’était l’heure idéale, j’ai enfilé des vêtements sombres et je suis partie à l’affût dans un petit parc public, juste au dessus du port de commerce et de la rade de Brest

Les oiseaux étaient pourtant bien là. Je les entendais chanter, et se moquer de moi vraisemblablement. Impossible en effet de les voir. Le seul que j’ai pu repérer, peut-être un rouge-gorge, s’est envolé des que j’ai levé mes jumelles. A mon avis je marchais trop vite, j’aurais peut-être du rester immobile et attendre qu’ils se découvrent? J’espère que du mouillage j’aurai plus de chance!

Par contre de là où j’étais, au-dessus des falaises qui surplombent les cales de radoub, je pouvais voir les balises à 2 milles plus loin avec une netteté surprenante! Elles sont top ces jumelles, il faut juste que j’apprenne…

Par contre si vous, lecteur, savez comment observer les oiseaux en voilier, partagez vos conseils ou vos anecdotes en commentaire de l’article!

Et en attendant vos remarques, je m’en vais relire ce récit d’une naturaliste expérimentée au large des côtes du Labrador. Ses observations sont tout simplement magiques!

Au mouillage à Sneem, Irlande. Mais qui est le plus curieux de nous trois?

10 Comments

  • Kris

    Exellente idée ce tuto : Comment observer les oiseaux en voilier.
    Je ne suis pas connaisseur non plus, mais je suis certain que pour les rouges gorges il suffit juste de se poser un moment, et ils sautilleront à 5m de vous. Ce sont des oiseaux dans les moins farouches 🙂

  • Katell

    Ah oui, merci, je suis bien d’accord: le seul que j’ai vu ce soir là en était un. Mais dès que j’ai levé mes jumelles il s’est envolé. Bah, les oiseaux de mer me semblent plus faciles à observer à découvert sur les rochers et les plages que les passereaux cachés dans les branchages. A suivre 😉

  • DUSSOL JACQUES

    Bonjour,

    Excellente idée ce tuto et merci pour les différents liens.

    Pour information, ma femme et moi avons créé en 2011 l’association RIEM : https://riem-asso.com/, dont l’objectif est que des bénévoles collectent des données scienctifiquement exploitables.Les domaines d’intervention sont le littoral et la mer ( animmaux marins, oiseaux, macrodéchets, algues, méduses ….etc)
    Nous proposons une application pour permettre une saisie simple des informations ( photos, détails de l’observation, commentaires ….etc) , en particulier en navigation , même en solo.
    L’association est située à Vannes et s’adresse à tout le monde, sans connaissance particulière.
    N’hésitez à nous contacter : contact.riem@gmail.com , 0620710281
    Merci encore pour les tutos ( je suis abonné depuis 1 an) A bientôt

  • Olivier SMETTIN

    Quand je pense au début difficile en Optimist dont tu nous as précédement fais part … Je me dis quel dommage ça aurait été de se couper d’un tel horizon au prorpre comme au figuré… Toujours un régal de lire tes articles…

  • Benjamin

    Bonjour,

    C’est sûr qu’observer les oiseaux marins est plus facile et parfois plus plaisant
    que les petits passereaux terrestres qui demandent un peu plus de réactivité.
    Emmener ses jumelles en randonnée est aussi un bon moyen de voir son environnement autrement,
    car cela nous oblige à reprendre des habitudes ancestrales perdues comme :
    -marcher sans bruit
    -marcher sous le vent
    -se mettre à l’affût (écouter et aiguiser son sens de l’observation)

    En espérant que tes prochains parcours seront plus riches en découvertes…
    Merci pour le partage et à bientôt !

    • Katell

      Merci Benjamin, depuis l’article j’ai pu observer le vol en groupe de bécasseaux sanderling au dessus des rochers, dans le soleil c’était magnifique. Belle progression 🙂

  • hervé

    Sous Android j’utilise BirdNET qui permet d’enregistrer le chant et le logiciel vous dit ce que c’est. Ca marche très bien lorsqu’il n’y a pas trop de bruits parasites :autoroute mais aussi le vent qui crée un sifflement continu mais parfois ça fonctionne bien; mais 2 plumes qui chantent en même temps sont souvent reconnues.

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