Équipières concentrées
Apprendre à naviguer

Comment devenir un bon équipier en voilier


Vous rêvez de naviguer à l’oeil, ou tout au moins à bon prix?

Vous voulez qu’on pense à vous quand s’organise une croisière sous le soleil entre amis?

Que les plaisanciers du port s’arrachent votre présence à bord?

Pourquoi pas?

Mais vous devrez remplir quelques conditions afin de devenir l’équipier compétent que tout bon skipper rêve d’embarquer.

Or il ne s’agit pas seulement de connaître les nœuds marins ni le code Vagnon par cœur.

Dans le guide « progresser en voile sans prendre de cours », que vous avez sûrement lu 😉

Note: si ce n’est pas le cas il vous suffit de vous inscrire à la Table à Carte à droite ou au bas de l’article, c’est complètement gratuit.

Dans ce guide, donc, je vous suggère de pratiquer la co-navigation, ou Bateau Des Autres (BDA), afin de gagner de l’expérience sans trop dépenser d’argent.

Cependant certains d’entre vous m’ont fait remarquer qu’aux beaux jours la concurrence sur les embarquements les plus intéressants se faisait rude. Moi-même j’ai constaté que les skippers des voiliers à bord duquel j’ai navigué par l’intermédiaire du site Vogavecmoi.com étaient très sollicités au cœur de l’été.

D’autres apprentis-navigateurs qui souhaitent effectuer une transat font face à une sélection parfois impitoyable.

Alors comment se préparer au mieux pour mettre toutes les chances d’embarquer de son côté?

Pour répondre à cette question il faut en réalité s’en poser une autre, en opérant un léger décentrement.

1.Comprenez ce que les skippers attendent de leurs équipiers

Bêtement je pensais comme vous que la première qualité attendue d’un bon équipier était la compétence.

Quoi de plus rassurant pour un capitaine en effet que de savoir qu’il dispose d’un équipage aguerri, capable de ramener le bateau à bon port à sa place s’il venait à défaillir?

Que nenni.

Vous vous fourrez le doigt dans l’œil et bien plus loin encore

Si vous écoutez attentivement François-Pierre, propriétaire d’un magnifique catamaran de 40 pieds tout neuf, vous découvrirez que:

la seule chose qu’il attend de ses co-navigateurs, est « qu’ils sachent faire un « nœud de taquet ».

A la limite s’ils font simplement 10 tours avec le cordage autour d’une bite d’amarrage, il s’en contentera. En effet il ne peut à la fois piloter son grand voilier et sauter sur le quai avec les amarres. En tout cas pas sans prendre quelques risques.

Par contre une fois les bouts frappés à quai, il se débrouille dans problème. Il n’a plus besoin de vous.

Et en mer me demanderez vous?

En mer, la plupart des voiliers de croisière modernes évoluent sous pilote.

Peut-être alors retrousserez-vous vos manches pour mettre en valeur le travail de tout un hiver sur le banc de musculation. Il est vrai que plus les bateaux sont grands, plus leurs voiles sont difficiles à border et, contre toute logique sportive, plus les skippers sont âgés.

Âgés parfois, mais rarement manchots.

Leurs bateaux sont équipés soit de winchs électriques, soit de manivelles électriques..

Vous pouvez donc vous rhabiller.

Manivelle de winch électrique

Quant aux manœuvres de mouillage, si vous pensez les coincer sur ce sujet méfiez-vous aussi. Nombre de bateaux de grande croisière possèdent en effet des commandes de guindeau au poste de barre, doublées de compteur de chaîne.

Il reste les quarts de nuits me direz-vous, une lueur d’espoir éclairant subitement votre visage désappointé.

Malheureusement…

Un skipper équilibré qui ne connait pas ses équipiers ne leur confiera pas son bateau la nuit.

Au mieux il dormira d’un oeil pendant leur quart, dans le carré, les bottes aux pieds. Ceci non sans avoir réglé à leur volume maximal les alarmes du radar, de l’AIS, du mer-veille, du pilote, du GPS, du sondeur.

Du moins est-ce ce à quoi vous devez vous attendre la première nuit. Et peut-être même la seconde. Ensuite il devrait être terrassé par la fatigue, et commencer à vous faire confiance, en principe.

Mais alors, s’ils savent naviguer en solo, pourquoi veulent-ils des équipiers?

Soyons précis. Si certains savent vraiment naviguer en solitaire, d’autres pensent qu’ils en sont tout à fait capables alors que ce n’est pas vraiment le cas.

Par ailleurs quelques skippers annoncent clairement qu’ils cherchent des équipiers pour les aider à progresser.Tous les cas de figure sont possibles.

2. Soyez discipliné!

La plupart des skippers cherchent des équipiers qui acceptent de faire ce qu’ils leur demandent, au moment où ils le demandent.

La discipline, ou l’obéissance est la première qualité attendue d’un équipier.

Ceci n’empêche pas le dialogue, mais autant que possible pas au dernier moment. En fait si vous discutez un peu trop souvent les décisions et les ordres du capitaine vous risquez fort de finir sur le quai avec votre sac de matelot, que vous ayez raison ou pas.

Par exemple s’il vous demande de lover les écoutes d’une certaine façon qui n’est pas la votre, faites un effort!

Après il se peut que vous ne puissiez répondre à un ordre parce que tout simplement vous n’êtes pas compétent.

Équipier incompétent

Soit que vous ne compreniez pas ce qu’on vous demande, soit que vous ne soyez pas en mesure de le réaliser correctement ou rapidement.

Ceci ne sera problématique que si vous vous êtes présenté avant l’embarquement comme un marin expérimenté.

Mais si vous avez été honnête, le skipper ne devrait pas vous en vouloir. Après tout il vous a accepté à son bord en connaissance de cause.

Car, bonne nouvelle: les débutants sont souvent acceptés dans les équipages en co-navigation.

Ceci tout simplement parce que naviguer en solo ne plait pas à la majorité des marins.

D’abord il est généralement bien plus facile de manœuvrer un voilier à plusieurs, quitte à expliquer longtemps, et c’est bien moins stressant et moins fatiguant.

Ensuite avoir quelqu’un avec qui trinquer à l’heure de l’apéro, refaire le monde en partageant un bon repas ou un coucher de soleil au mouillage, peut-être une perspective réjouissante.

Sauf si vous faites la tête tout le temps.

3. Montrez vous sociable et ouvert.

L’espace reste assez limité sur nos voiliers. La promiscuité est souvent la règle. Mais l’entraide et l’attention des uns aux autres et de tous au bon entretien de l’espace de vie permettent de compenser largement cet inconvénient.

Nous avons tous des caractères différents et notre manière de nous faire apprécier, ou détester, des autres.

Équipière compétente

En bateau il faut quand même éviter de nous faire détester. Donc retenir les remarques désobligeantes, supporter les petites manies de chacun et ne pas nous montrer trop susceptible. A l’inverse faire preuve d’humour, cuisiner de bons petits plats, et proposer des activités (baignade, balades, musique etc) amène de la convivialité et soude l’équipage peu à peu.

De plus pour ne pas générer de tensions inutiles chacun est prié de se plier aux règles du bord édictées par le skipper et participe de manière équitable aux tâches domestiques. Au passage il n’est écrit nulle part que les hommes ne peuvent pas apprendre à cuisiner, ni que les femmes sont incapables de prendre des ris sous les embruns. Quand on partage, on partage!

Compte tenu de toutes ces contraintes, même si vous êtes plutôt sociable à terre, cela ne vous garantit pas de l’être à bord .

Ne vous embarquez pas pour une croisière d’une semaine ou plus sans avoir testé votre aptitude à la vie en équipage sur des périodes plus courtes. Vous risquez d’être déçu et même de gâcher l’ambiance du bord.

Revenons maintenant à cette histoire de compétences.

4. Développez des compétences de base en navigation

Lorsqu’un skipper compose son équipage, il peut choisir de recruter au moins un équipier un peu expérimenté, pour avoir un matelot immédiatement opérationnel à ses côtés, voire un véritable second.

Manœuvre de port

Une fois cette garantie obtenue, les débutants, ou semi-débutants seront généralement les bienvenus à bord à la seule condition de leur bonne humeur.

Mais bien sûr, si vous êtes discipliné, sociable ET compétent, alors vous devriez trouver des embarquements à foison!

Pour seconder efficacement votre skipper en navigation, représentez-vous les moments les plus critiques en navigation, ceux où le skipper aura vraiment besoin d’aide.

D’abord les manœuvres de port, toujours un peu stressantes à partir d’une certaine taille de bateau et quand il y a du vent.

Pour ces manœuvres les équipiers doivent installer les défenses et les aussières. Ils doivent être prêts à déborder les quais et les autres bateaux à l’aide d’un pare-battage volant. Ils récupèrent les  pendilles ou bien descendent sur le quai pour immobiliser le bateau et l’amarrer.

Selon les situations le skipper peut donner des consignes claires, mais souvent il faut faire preuve d’initiative.

Noeud de chaise

Vous devez être capable d’exécuter rapidement quelques nœuds, et d’anticiper les éventuels heurts ou la dérive du voilier pour sauter au bon moment sur le ponton.

Pour l’anticipation il n’y a pas de secret: elle s’acquiert avec l’expérience. Mais les nœuds d’amarrage, vous pouvez les apprendre à la maison.

Apprenez déjà le nœud de taquet, le nœud de cabestan pour les pare-battages et le fameux « un tour mort et deux demi-clés » qui est très facile à retenir, à réaliser et ne lâche jamais.

Ensuite vous pouvez essayer le nœud de chaise, très utile mais un peu plus compliqué. Enfin le nœud en huit qui est un nœud d’arrêt utilisé pour empêcher les bouts de sortir des poulies.

D’autres situations nécessitent parfois de l’aide: les manœuvres de mouillages par vent fort ou lorsque l’ancre est engagée, les réductions de voilure, les empannages sous spi et bien sûr les quarts de nuit ou de jour.

Vous n’avez pas besoin d’être des experts dans ces domaines, car le plus souvent il vous suffira d’exécuter les consignes que vous recevrez.

Border voile

Par contre il vaut mieux que vous connaissiez le vocabulaire maritime, et que vous compreniez le but ce que vous vous apprêtez à faire. Certains équipiers se retrouvent ainsi à tirer sur des bouts sans trop savoir à quoi ce cordage est relié…

En résumé voici votre programme de révision pour devenir un (ou une) équipier compétent lors de vos prochaines navigations.

  • Connaître les principaux nœuds marin
  • Le vocabulaire maritime
  • S’orienter sur un plan d’eau
  • Gréer, dérouler, enrouler et régler sommairement les voiles
  • Savoir barrer à toutes les allures.
  • Connaître le code maritime: règles de barre et de route, balisage, feux des principaux navires
  • Entretenir une condition physique suffisante. De la souplesse et un peu de force.

5. N’embarquez pas avec n’importe qui

L’ensemble des compétences que j’ai citées précédemment seront très appréciées j’en suis certaine par vos prochains capitaines. Si vous les développez toutes vous n’aurez aucun mal à trouver une place y compris pour une transat.

Beaucoup de familles avec de jeunes enfants qui traversent pour la première fois cherchent en effet des équipiers à tout faire.

Mais soyez tout de même prudent de votre côté.

J’ai rédigé cet article en supposant que vous cherchiez un embarquement avec un skipper lui-même… sociable, ouvert et compétent!

Cependant ce n’est pas toujours le cas. Il n’y a pas de bon équipier sans bon capitaine.

Vous avez donc deux possibilités: soit vous avez un moyen de vérifier la réputation du skipper avec lequel vous allez embarquer.

Soit vous n’en avez pas, et dans ce cas l’idéal serait de commencer par naviguer à la journée ou au week-end avec cette personne.

Ceci vous permettra aussi de juger de l’état du bateau et des conditions de confort et de sécurité que vous pouvez en attendre.

A ce stade je suppose que vous avez quelques expériences à ce sujet à partager, en tant qu’équipier-e ou skipper.

Votre mission sera donc d’en faire profiter les autres lecteurs dans les commentaires sous cet article, je vous lirai moi-même avec intérêt 😉


13 Comments

  • laurent Perrod

    Parfois en tant que skipper, on peut parfois sembler rude. C’est aussi que nous sommes responsable du bateau et SURTOUT de l’équipage (pénalement s’entend…) . Donc bien breefer l’équipage avant de partir pour éviter, par exemple, qu’un ou deux sautent à l’eau en cours de nav pour se baigner…Après quand le vent force, il faut réagir vite, Donc parfois le ton monte. Se faire engueuler n’est pas dramatique. Une manoeuvre ratée peut l’être. La voile est un sport et necéssite quand même une base physique pour être équipier. Sinon c’est du promène couillon.

    • Katell

      Il m’est déjà arrivé en effet de voir un équipier sauter à l’eau juste pour voir si on suivait… je n’ai jamais voulu re-naviguer avec cet étrange personnage.

  • Semper Fi

    Bonjour Katell…
    Prochain article pour toi : les qualités du bon skipper avec lequel les équipiers aiment embarquer.

    Un équipier attend du skipper :
    – des ordres clairs et précis,
    – un niveau d’exigence cohérent avec les ordres donnés, les responsabilités confiées, et bien sûr le niveau technique de l’équipier,
    – un skipper qui assume son rôle et prend des décisions,
    – un skipper capable de jauger rapidement son équipage, et surtout les points forts et faibles de chaque équipier (et donc les « manage » en conséquence),
    – un skipper capable de prendre en compte les suggestions éventuelles de ses équipiers mais qui ensuite décide, sans forcément suivre l’idée du dernier équipier qui a parlé,
    – un skipper humain et pédagogue (« si je ne sais pas faire, apprends-moi au lieu de gueuler et/ou de te foutre de moi ! »).

    Le bon équipier déteste :
    – le skipper « soupe au lait » et/ou prétentieux,
    – le skipper incompétent qui s’ignore (à ne pas confondre avec le skipper inexpérimenté conscient de ses limites … mais celui-là a plus besoin d’un coach que d’un équipier),
    – le skipper qui ne donne aucun ordre, mais gueule parce que c’est le b….el,
    – le skipper démago qui ne veut froisser personne, et ne donne pas d’ordres non plus,
    – le skipper qui ne tient pas sa place (et donc ne fait pas le boulot qu’on attend de lui) mais qui en revanche s’immisce en permanence dans le boulot de ses équipiers.

    Les bons équipiers se font rapidement une réputation sur les pontons… les bons skippers aussi !

    Signé : un équipier discipliné, loyal, et pas trop mauvais techniquement (par une pratique très assidue de la voile légère).

    • Katell

      Ah mais on se croirait chez les Schtroumpfs! Merci pour cet effort d’anthropologie maritime. Alors je rajouterai le skipper collaboratif (à ne pas confondre avec le skipper démago) qui déteste l’autorité et mise tout sur l’intelligence collective. Il lance un atelier de réflexion dès qu’un cargo apparait à l’horizon afin que l’équipage le groupe prenne la meilleure décision…

      • Semper Fi

        hello…
        Sorry… je me suis peut être mal exprimé.
        Pour dissiper tout malentendu, comme équipier je n’attends pas du skipper l’organisation d’un groupe de travail, bien au contraire mais des ordres clairs.
        Tout ça pour dire que si je partage 100% de ton article sur l’équipier, ne pas oublier que celui-ci a aussi des attentes vis-à-vis du skipper.

      • Michel

        En tant que propriétaire de mon voilier, c’est à priori le type même d’équipier que je ne souhaiterai pas embarquer.
        Il y a aussi une autre catégorie que je n’embarque plus, c’est celle qui regroupe ceux qui commencent leur phrase par « aux Glenans… « . Le mot type qui m’hérisse le poil pour moultes raisons mais dont la principale est : « moi je sais tout, j’ai fait les Glenans ».
        Je préfère, et de loin, ceux et celles qui n’ont jamais mis les pieds sur un bateau mais qui ont le désir de découvrir et d’apprendre un peu. Il y a parfois là des fous rires mémorables et des rencontres intéressantes.
        Nous sommes tous différents. Nos bateaux sont également tous différents. Notre façon de naviguer est aussi différente les uns des autres. Il n’y a pas qu’une seule manière type de naviguer. Pour tout cela, les critères de base pour skipper et équipier sont : tolérance, adaptabilité, et amabilité. Lesquels sont évidement complétés par bonne humeur, etc.
        Naviguer avec quelqu’un c’est accepter dès le départ de partager du temps avec une personne différente. Et dans un bateau, la promiscuité est un révélateur de personnalité où tout s’enchaine très vite. On y trouve donc l’acceptable comme l’insupportable. Raisons pour lesquelles on change un jour de statut, passant d’équipier à propriétaire.
        Désolé de pouvoir déplaire à certains, mais partager du temps à bord d’un bateau doit avant tout rester du bonheur. Si c’est pour s’invectiver des réflexions à longueur de temps, non merci.

  • YVES GOFFART

    Bravo Katell,
    Voilà une analyse pleinr de bon sens,
    Comme skipper j’ai toujours préféré l’esprit d’équipe et l’ouverture à toute autre connaissance technique de voile.
    Avant une croisière je voulais toujours faire une sortie avec les équipier pour voir si la sauce prenait.
    J’ai aussi été équipier et alors tout change. Il n’y a qu’un chef à bord et c’est le skiper. L’obéïssance est primordiale.
    Une seule chose c’est que le skiper aient une compétence au moins équivalente à la mienne pour m’y plier dans les moments difficiles.
    Bien à vous.

    • Katell

      Oui ça peut devenir compliqué quand le skipper est moins expérimenté que ses équipiers. Mais tant qu’il n’y a pas de mise en danger je pense qu’on peut quand même rester à sa place en tant qu’équipier. Ou renoncer à être équipier. Et puis c’est aussi à l’équipier expérimenté de choisir avec soin son capitaine…

  • Jean-paul Mathelot

    Tout à fait d’accord avec ce qui a été dit précédemment. J’ajouterai simplement ceci.
    À bord , il faut qu’il n’y ait qu’un seul skipper (pour peu qu’il soit bien sûr à la hauteur). Quand il y a des manœuvres à exécuter, il faut un seul « patron ». Sinon c’est la cacophonie.

    • Katell

      Le co-skippage c’est chouette aussi. J’ai fait un tour du monde comme cela, sans problème particulier. Beaucoup de courses fonctionnent également en duo.

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