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navigation électronique et météo

Mes applications de navigation en mer: le choix de la simplicité


Slalomer entre les rochers de la pointe de Penmarc’h à 9 noeuds sous spi, ça vous semble fou?

Dans cet article vous découvrirez comment j’ai choisi 4 applications de navigation, dont deux seulement me semblent indispensables en navigation côtière.

Quand j’ai commencé à naviguer, le GPS était réservé aux navires militaires et les applications de navigation n’existaient pas, faute de tablette ou de téléphone portable. Pour le plaisancier, la navigation à l’estime faisait partie des compétences indispensables sous peine de terminer sa course sur un récif. En Bretagne où les courants et les marées sont importants, cette tâche suffisait à occuper pleinement un équipier.

30 ans plus tard, la donne a complètement changé. L’équipier navigateur peut être aisément remplacé par une application de navigation. Aisément, vraiment?

Un été avec un ami, nous convoyons un Sunshine 38 de Brest à Concarneau. Le vent ne se lève que dans la baie d’Audierne. Une petite brise de nord propice à l’envoi du spi symétrique. Après plusieurs heures de moteur, la délivrance! A la hauteur de Penmarc’h, nous lofons vers l’est. Au travers le bateau accélère, nous offrant une pointe à 9 noeuds sur mer plate: le rêve.

naviguer sous spi avec une application de navigation

Je suis à la barre, la tablette sur les genoux. Je consulte la carte sur mon application de navigation. La côte est dangereuse, truffée de récifs. Une ribambelle de balises nous invite à abattre pour nous en écarter largement. En suivant cette route nous devrons affaler le spi au droit de Loctudy pour lofer vers Concarneau. A moins que…

En coupant à l’intérieur des rochers, et à condition que le vent ne monte pas, il sera peut-être possible de ne pas perdre de cap, et de tout faire sous spi!
Les conditions météo sont idéales, je consulte mon coéquipier. Il est partant, prêt à choquer ou à affaler rapidement si besoin.

Le Sunshine file à bonne allure, je régule à la barre ses velléités de départ au lof, tout en surveillant les fonds qui défilent sur mon écran. Nous glissons entre les rochers dans la tiédeur de cette fin d’après-midi. Je sens le poids du bateau dans le gouvernail, mais je sais que je peux compter sur mon partenaire.

Je fais de mon mieux pour gagner au vent sans nous échouer. Nous passons les derniers rochers, la chance est avec nous, le vent adonne et faiblit légèrement. Le tangon quasiment dans l’étai nous conservons le spi au bon plein jusqu’à l’entrée du chenal. Nous l’affalons enfin sous un ciel flamboyant au coucher du soleil.

coucher de soleil sur locéan

Simples et efficaces, les applications de navigation m’offrent de nouveaux terrains de jeu dans une zone de navigation que je connais pourtant bien.

En terme de sécurité en mer, cet exemple n’est pas forcément à suivre cependant. Pour s’affranchir du balisage avec une appli de navigation, il faut bien maîtriser de nombreux paramètres:

  • Connaître son bateau et son équipage
  • Manœuvrer rapidement
  • Identifier les obstacles visibles sur l’eau rapidement, pour anticiper toute forme de défaillance du positionnement
  • Prévoir une solution de rechange au cas ou la tablette tombe en panne

Cependant, cette expérience montre comment les applications de navigation peuvent vous libérer des ressources pour vous consacrer essentiellement à la marche de votre bateau. Votre bateau évolue sur la carte électronique comme dans un jeu vidéo, il ne vous reste plus qu’à projeter ce que vous voyez sur l’écran sur l’horizon.

application de navigation ou jeu video?

A la différence néanmoins que vous n’avez qu’une vie, qu’un bateau, et que si vous vous échouez, vous ne pouvez pas recommencer la partie de zéro. Ceci nous mène à un point qui est souvent discuté.

Faut-il savoir naviguer à l’estime pour utiliser correctement une application de navigation?

J’aurais très envie de vous dire oui. Parce que je considère que connaître les techniques de navigation à l’estime sécurisent et augmentent mon expérience de la navigation électronique. En effet si mon appli de navigation déraille, j’ai toutes les chances de m’en apercevoir bien plus vite qu’un novice en navigation traditionnelle. En plus j’ai pris l’habitude de chercher les amers mentionnés sur la carte pour les relever au compas.

navigation à l'estime

Je suppose que je sais « lire » mon environnement marin plus rapidement et plus efficacement grâce à ces années de navigation à l’estime. Je pense que je repère les courants, la couleur des fonds, les lignes de grain assez tôt pour en anticiper les conséquences. Ce qu’une application de navigation ne fera jamais pour vous.

Mais je n’ai pas confronté mes capacités à celles d’autres plaisanciers qui se seraient entraînés à naviguer uniquement avec des applis de navigation. En effet, à force de transférer son regard de l’écran à la mer, on devient capable de traduire de plus en plus efficacement les données virtuelles en obstacles bien réels. Dans les deux cas, c’est surtout la pratique, l’expérience qui fait la différence.

Comprendre les applications de navigation

Afin de comprendre ce qu’affichent les applis de navigation et en exploiter toutes les possibilités, il faut quand même quelques bases.

Pour le moment elles n’effectuent pas les calculs de marée à votre place, mais elles n’en sont pas loin. Elles affichent la hauteur d’eau en temps réel au-dessus du zéro des cartes dans certains ports de référence. Elles donnent aussi la valeur des courants, tout comme le faisaient les anciennes cartes papier, dans des zones précises. Mais ces données sont théoriques, elles peuvent varier en fonction de la pression atmosphériques pour les marées, de particularités topographiques pour les courants. Bref il faut connaître la logique de ces calculs pour adapter les informations des applis de navigation à vos besoins.

photo Thierry Cormerais – Flickr

Il en va de même pour les directions du compas par exemple, ou les notions de vitesse fond et surface. Une application de cartographie ne va pas tout faire à votre place. Ce sont des aides à la navigation dont les données restent à interpréter.

Si vous voulez vous familiariser avec l’usage de ces programmes, je vous invite à lire mes tutos de croisière en Bretagne. Pour chaque destination je vous explique comment construire votre plan de navigation à partir de ces outils.

Que faire si mon application de navigation tombe en panne?

Un de mes amis, Laurent, diffuse depuis son voilier Liane un podcast dans lequel il discute de cette question. Nous en avons débattu tous les deux.

iphone cassé

Pour faire face à une panne des outils électroniques de navigation, Laurent prône la redondance. Effectivement, si votre application de navigation tourne sur votre tablette, la plupart du temps elle peut aussi fonctionner sur votre téléphone. Vous avez peu de chance de voir les deux vous lâcher en même temps.

Sauf si… vous avez un problème de charge électrique. Pour parer à ce danger je conseille de préparer une carte de la zone, un crayon gris, une règle et un GPS portable muni de piles neuves dans une boîte étanche. Ce peut-être un bidon de survie d’ailleurs. Cela suppose que vous sachiez reporter des coordonnées géographiques sur une carte. Mais ce n’est vraiment pas difficile à apprendre.

Quelles applications de navigation choisir?

En parlant d’applications, j’exclus dans cet article la question des logiciels. Pourquoi?

Parce que ce qui m’importe ici c’est la mobilité.

Tous les plaisanciers ne sont pas propriétaires de leur bateau. Mais la quasi totalité d’entre eux dispose d’au moins un téléphone portable. A partir de là, vous pouvez naviguer sur n’importe quel voilier avec vos propres outils de navigation. Vous avez le temps de vous familiariser avec leur fonctionnement et leur style d’affichage, depuis votre canapé.

L’autre critère que je privilégie est la simplicité.

Si le but est d’abord naviguer, il ne me paraît pas utile de s’attarder sur des programmes, ni des applications de navigation aux fonctionnalités complexes. Le temps passé à configurer et comprendre des programmes nous distrait d’autres aspects essentiels de la navigation: le réglage et l’équilibre de la voilure, l’observation du ciel, de la faune, et l’attention portée à la route des autres bateaux.

J’exclus donc les logiciels et les applications dédiés au routage. Je les réserve à la préparation de traversées ou de convoyages sur des distances importantes. Pour la navigation côtière à la journée ils me semblent peu pertinents.

Je mets également de côté des applications open source, telles qu’Open CPN parce qu’elles demandent quelques manipulations techniques sur un téléphone ou une tablette avant d’être opérationnelles.

Au final j’ai sélectionné des applications utilisables immédiatement, que beaucoup connaissent déjà, mais qui aideront les débutants à faire un choix cohérent. Je précise que je ne perçois pas de commissions sur leur vente.

Pour la cartographie:

Boating HD mers et Lacs, disponible sous Android et IOS

navionics boating HD

J’apprécie cette application pour la lisibilité de ses cartes et l’ergonomie de la navigation. Il ne lui manque que le routage. Elle fonctionne par abonnement, mais les fonctionnalités essentielles et les cartes restent disponibles même quand l’abonnement est terminé. Cerise sur le gâteau: c’est probablement le choix le plus économique.

Faut-il mettre à jour ces cartes tous les ans?

Si vous naviguez toujours dans la même zone, je pense que vous pouvez vous en passer. Ce qui peut changer est généralement balisé et renseigné dans la presse locale: construction de digues,nouvelles épaves, ou des zones interdites à la navigation qui évoluent.

Quand vous naviguez plus loin, il vaut mieux vous doter d’informations récentes. En mer du Nord par exemple les plates-formes pétrolières se déplacent et les éoliennes se multiplient: il vaut mieux savoir où elles se trouvent. De même à l’approche d’un port dont la configuration a évolué, de nuit et ou dans le mauvais temps, il est préférable de s’appuyer sur une carte récente.

Météorologie

applications meteo de navigation

 

Windy est une application gratuite et performante. Ses animations sont claires et esthétiques. Les informations de vent, pluie, visibilité, houle, vagues, sont très complètes et plutôt fiables.  A télécharger sans modération. Si vous devez naviguer sans couverture Internet, prenez des copies d’écran des prévisions avant le départ.

Courants

juzzy courants four

Juzzy est une jeune application qui couvre une partie du littoral Atlantique. Elle vous donne la direction et la force des courants heure par heure, de manière assez fine. Elle n’est pas indispensable car vous avez déjà une partie de ces informations sur Navionics. Mais sa précision permet d’affiner vos plans de navigation si vous devez ruser avec les courants. L’abonnement est mensuel, à petit prix et sans engagement de durée.

Marées

appli de navigation marée

J’utilise l’application Marées, tout simplement. Elle est gratuite et présente l’information de manière très simple. Navionics donne les mêmes informations de marées, avec quelques variations de hauteur a priori peu significatives (de l’ordre de 10cm). Dans tous les cas il convient de prévoir un pied de pilote de 50 cm pour parer aux imprécisions des calculs de hauteur d’eau.

Au final, vous voyez que j’ai retenu 4 applications de navigation, dont les 2 premières seulement sont indispensables.

Les geeks seront frustrés, mais les marins inexpérimentés y gagneront en clarté. Les navigateurs au long cours y ajouteront des programmes de routage et de navigation open source tels Open CPN ou QTVLM. Peut-être iront-ils jusqu’à les installer sur un Raspberry configuré par leurs soins. Autres projets, autres solutions.

Et vous qu’utilisez-vous? Vous avez d’autres choix? Partagez vos idées, si vous avez trouvé plus simple, plus facile à prendre en main ou si vous privilégiez d’autres critères.

 


12 Comments

  • Jean-Michel Kajdan

    Hello
    Merci Katell pour ce nouveau tuto 👍
    Moi, c’est W4D Routing & Navigation sur iOS mon élue, et Marée-Info pour les marées. Et bien sûr les cartes papiers et les courants du Shom en PDF, en téléchargement sur leur site.
    Perso, j’ai un souci avec l’aspect « Super Mario » des cartes vectorisées. D’autre part, l’intérêt des cartes raster du Shom sur iPad, outre une meilleure précision de relevé, réside dans le fait que je retrouve facilement mes petits si je switche sur les cartes papier. W4D renvoie sur le site de GeoGarage pour les abonnements de cartes en fonction de sa région de navigation et propose un abonnement meteo annuel. Les modèles (meteo, vagues et courants se mettent automatiquement à jour au chargement des zones afin d’être certain de naviguer avec la dernière màj disponible. Il est également possible de faire des requêtes et d’importer des fichiers GRIB si besoin. Pour les navigations loin des côtes, la prise en compte d’une connexion Iridium Go est possible directement dans l’app afin de conserver le chargement automatique des différents modèles choisis. Qui peut le plus, peut le moins… 🙂

    • Katell

      Merci Jeanmi de ce retour d’expérience, W4D est top, mais bien plus cher et avec plus de fonctions que Navionics. Le prix est bien sûr justifié par les possibilités supplémentaires. Seulement je pense qu’en navigation côtière ces fonctions sont peu utiles, parfois complexes, et détournent les plaisanciers de ce qu’ils ont d’abord à apprendre (barrer au près, empanner une GV par vent fort, manœuvrer dans les ports etc.)

    • Katell

      Merci Patrick de votre commentaire. Actuellement j’utilise un Ipad mini 2 doté d’une puce gps, alors que mon téléphone tourne sur Android. Ce n’est pas la configuration la plus économique, puisque ça m’oblige à acheter Navionics sur les 2 plate-formes. En fait, les critères de choix techniques d’une tablette pour la navigation sont les suivants:
      – Taille suffisante de l’écran soit 8 pouces minimum,
      – Lisibilité de l’écran en plein jour,
      – Autonomie de la batterie,
      – Présence d’une puce gps dédiée s’appuyant si possible sur au moins 2 système de positionnement (gps + glonass par exemple)

      Chez Apple les modèles avec puce gps portent la mention « cellular ».

      Après c’est le prix que vous voulez y mettre qui finira de trancher. Tous les Ipad Cellular sont excellents, et chez Samsung les galaxy Tab s3/s4/s5 sont très bien également.

      • Martin

        Merci pour cet article dans lequel je me retrouve. Pour mon expérience : sailgrib permet de faire des routages et de regarder plusieurs models météo sur la carto de Navionics. Je la mets sur un Crosscall T4 qui est très bien tant qu’on la laisse en intérieur du a la luminosité. Sinon elle est robuste étanche et possible de l’accrocher a une laine courante.

  • André

    bonjour,
    pour Navionics apparemment on peut utilisé le même abonnement sur IOS et ANDROID, mail recu vendredi 03/01

    « Dorénavant, vous pourrez utiliser le même abonnement sur les appareils Apple et Android. Grâce à cette nouvelle option, vous évitez de vous abonner à plusieurs applications. »

    cordialement
    André

    • Katell

      Merci André, je viens d’acheter un lot de cartes des îles britanniques pour mon téléphone androîd. Je vais voir si je peux les avoir également sur mon Ipad. Pour le moment ce n’est pas le cas, j’attends la réponse du SAV.

  • Jean Claude

    Bonjour Katell,

    Moi je suis un peu comme JM Kajdan, je reste très attaché aux cartes raster tout en regardant aussi les numériques. Je navigue et fais mon routage avec Avalon Offshore qui est très simple et intuitif et avec une équipe de développeurs très à l’écoute et réactifs aux doléances des utilisateurs. Juste un abonnement premium pour le téléchargements automatiques des Grib. Je me sers aussi de Navionics qui calcule des routes initiales plus optimisées qu’Avalon Offshore, ensuite j’exporte la route en .gpx sur Avalon offshore et j’applique le routage et je navigue avec le module Navigation d’Avalon. Pour les courants je me sers de Juzzy juste pour vérifier les courants donnés par Avalon. Pour les Marées je prends Marée Info et pour les mouillages je m’inspire de la communauté Navily. La météo est téléchargée par Avalon qui donne direction et force du vent, courant face et direction et hauteur de vague. Je vérifie avec Windy, Wisuki, Windfinder et météo france

    • Katell

      Merci Jean-Claude pour ce partage très complet. Avalon est une très bonne appli, il ne lui manque que les courants 🙂
      Je n’ai pas voulu rajouter le routage parce que je m’adressais plutôt à des débutants ou à des personnes qui naviguent en côtière. Je consacrerai un article à l’initiation au routage dès que possible dans le prolongement de mes tutos de navigation en Bretagne.

  • Yann

    Avec plusieurs mauvaises expériences en mer, et de nombreux commentires de professionnels 5Tu oublies /-,
    je m’étonne de trouver Navionics mis en exergue (ou alors, uniquement pour rester à BONNE distance des cailloux indiau ou non)<
    mais pour la Bretagne, il est indispensable de citer Nav&Co

    • Katell

      Merci Yann pour ton retour d’expérience, tu me fais découvrir Nav and co. Que t’est il arrivé avec Navionics? Cela fait des années que je navigue avec cette application, j’ai même slalomé sous spi entre les rochers avec sans souci et mes amis skippers pro s’en servent aussi sans problème. Un mauvais positionnement par le GPS?

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