Comment amarrer votre voilier au port avant la tempête?
Imaginez Ciaran: des rafales furieuses frôlant les 210 km/h, le craquement sinistre des arbres s’abattant sur les routes, tandis que les voiliers dans les marinas montent sur leurs catways comme des chevaux fous,et vous aurez une idée de la puissance brute de la nature.
Dans ce chaos, nos voiliers deviennent particulièrement vulnérables. Les mâts et les superstructures affrontent la force brute du vent. Dans l’enceinte du port, l’écho de la houle déchainée nous fait sentir comme en pleine mer, mettant à l’épreuve nos compétences d’amarrage.
Et puis il y a les marées, que la furie de Ciaran exacerbe, transformant parfois nos havres en pièges, avec des eaux montant d’un mètre ou plus, menaçant de submerger tout sur leur passage.
Cette tempête aura laissé de profondes traces dans nos mémoires et nos paysages, comme elle nous rappelle à l’ordre. Nous ne vivons pas dans un univers virtuel. Le soleil ne brille pas tout le temps dans un ciel sans nuages et le héros ne gagne pas toujours à la fin. Surtout s’il ne s’est pas préparé correctement aux épreuves qui l’attendent.
Le bon timing : préparer son bateau avant l’arrivée de la tempête
Une bonne préparation est la clef pour faire face à la tempête avec sérénité. Lorsque les vents sont levés il est trop tard pour agir efficacement. La tension dans les amarres et la pression dans les voiles mal arrimées seront trop fortes pour que vous puissiez intervenir sans vous mettre en danger.
Prévoyez les coups de vent au moment de l’hivernage
L’hivernage est le moment idéal pour prévoir les dispositifs nécessaires en cas de tempête, surtout si vous habitez loin de votre bateau. L’inspection des amarres, le choix des protections pour la coque, les mesures pour limiter la prise au vent et la vérification des points d’ancrage doivent être intégrés dans votre routine d’hivernage pour assurer que votre bateau puisse résister à une épreuve telle que Ciaran.
Adoptez une routine météo quand vous êtes à terre
C’est un point auquel peu de plaisanciers s’astreignent une fois leur bateau sagement amarré au port. L’importance d’une routine météo est pourtant indéniable. Lors des jours précédant une tempête annoncée, la vérification des prévisions devrait être aussi naturelle que de vérifier la présence de tous les équipiers avant de prendre la mer. Cela implique que vous suiviez régulièrement l’évolution de la météo sur vos applis même quand vous êtes à terre.
Anticipez car l’accès à la marina peut-être fermé avant l’arrivée de la tempête
Il vous faut savoir que certains ports ferment leurs accès depuis la terre quelques heures avant l’arrivée d’une forte tempête. Il peut même vous être interdit de passer la nuit à bord, que vous habitiez ou non sur votre bateau habituellement. Normalement vous devriez en être averti par la capitainerie, mais quoiqu’il en soit vous devez anticiper cela dans votre préparation.
Pendant la tempête, il est imprudent de rester à bord
La sécurité des marins est prioritaire. Rester à bord d’un bateau durant un tel événement est risqué, surtout s’il vous vient l’idée (quasi irrésistible) d’intervenir pour protéger le matériel. Encore une fois, il est donc primordial de s’assurer que toutes les préparations nécessaires soient faites à l’avance pour pouvoir quitter le bateau en toute sécurité avant que la tempête ne frappe.
Préparer le pont : l’anticipation au cœur de l’action
Quand la tempête Ciaran a pointé le nez de ses vents furieux sur nos côtes, elle n’a pas fait de distinction entre les voiliers préparés et les autres. Chaque détail compte pour assurer que le bateau résiste et que l’après-tempête ne soit qu’une question de rangement et non de réparation.
Enlevez tout ce qui peut être arraché
À bord, la première étape consiste à retirer ou sécuriser tout élément susceptible de s’envoler ou de se détacher. Il s’agit des voiles, bien entendu, mais aussi des biminis, des capotes, des annexes, des radeaux de survie et de tout équipement qui pourrait transformer une rafale en dommage coûteux. La force du vent n’a pas de pitié pour les objets mal arrimés et le ressac amplifie les mouvements, rendant les attaches classiques insuffisantes.
Ôtez tout ce qui peut donner de la prise au vent
La prise au vent sur un bateau à quai est une invitation ouverte aux forces de la tempête pour jouer avec votre voilier comme un fétu de paille. Réduire cette prise, c’est minimiser le risque que le bateau ne soit poussé contre le ponton ou d’autres bateaux, et c’est éviter que les amarres ne soient sollicitées au-delà de leurs limites. Cela implique de descendre les voiles, d’enrouler ou de retirer les génois, de rabattre ou de démonter les antennes et les instruments de vent en hauteur. Même les panneaux solaires, en particuliers les panneaux souples, sont susceptibles de se transformer en frisbees virevoltant entre les gréements.
Fermez toutes les écoutilles et rangez l’intérieur
Orientez ou fermez les manches à air pour qu’elles ne captent pas les trombes d’eau au passage du front froid. Débranchez votre câble électrique et coupez vos propres circuits de batteries et de gaz, surtout si vous ne restez pas à bord. Enfin rangez et arrimez livres et casseroles à l’intérieur de votre bateau comme pour une traversée au près dans une mer agitée.
Sécuriser les voiles : un acte déterminant pour la survie du voilier
Quand la tempête s’approche, bien arrimer les voiles devient une priorité pour chaque marin.
Ferlez ou enlevez le génois et la GV : Ferler les voiles peut parfois suffire, mais la garantie ultime reste de les enlever complètement. Cela réduit la résistance au vent et évite que les forces dévastatrices de la tempête ne jouent contre le gréement. Si vous enlevez le génois et la grand-voile, vous minimisez également le risque de les voir se déchirer sous l’effet des rafales.
Au port, rangez les voiles, pliez-les avec soin et stockez-les à l’abri. Pour les génois sur enrouleur, assurez-vous qu’ils sont bien serrés et que le cordage d’enroulement est sécurisé sur un second taquet, car un coinceur qui glisse peut laisser le vent défaire le travail et endommager la toile.
Si retirer la grand-voile n’est pas possible, fixez-la solidement à la bôme, prenez des ris si nécessaire pour limiter tout mouvement. Rappelez-vous : une voile qui bat peut faire dériver le bateau et causer des dégâts au gréement.
Protéger la coque : un bouclier contre les assauts de la tempête
Lorsque la tempête Ciaran a frappé avec ses rafales et sa houle battante, la coque de chaque voilier s’est trouvée en première ligne face à cette démonstration de force de la nature. Protéger la coque est alors devenu un impératif pour éviter les avaries.
Comment bien utiliser vos pare-battages :
Le premier rempart de protection de la coque est le déploiement judicieux des pare-battages. Placés entre le voilier et le ponton ou un autre bateau, ils doivent être suffisamment nombreux et de taille adéquate pour absorber les chocs causés par les mouvements incessants. Il est important de les régler à la bonne hauteur, en tenant compte de la variation des marées si vous êtes à quai, pour garantir une protection efficace sur toute la durée de la tempête.
💡Astuce 1 (schéma ci-dessous): Placez le plus possible de défenses à des hauteurs décalées puis enfilez un bout depuis un taquet à l’arrière dans les anneaux du bas de chaque pare-battage. Ensuite faites passer le bout sous l’étrave et fixez le sur un taquet à l’avant du coté opposé. Ainsi fixées, vos défenses ne bougeront plus! (Merci à Dom pour ce tips qui devrait sauver quelques bordés).
💡Astuce 2: Si le bateau est amarré à un quai qui risque d’être partiellement submergé par la surcote due à la tempête, placez des poids au bas des pare-battages pour qu’ils ne remontent pas en même temps que le niveau de l’eau (Merci à Guy, lecteur du blog pour ce retour d’expérience.)
Éloignez-vous des autres bateaux
Dans la mesure du possible, il est sage de laisser un espace maximal entre votre bateau et les voisins. Cela réduit le risque de contact et les dommages potentiels dus aux mouvements provoqués par les vents forts et la houle.
Sécuriser l’amarrage à couple
En cas de forte tempête ce type d’amarrage n’est pas idéal, mais si vous ne pouvez pas l’éviter, prenez certaines précautions.
- D’abord placez les bateaux les plus lourds contre le quai, et les plus légers à l’extérieur pour éviter que les gros n’écrasent les petits.
- Essayez de décaler les gréements pour éviter qu’ils ne s’entrechoquent avec le roulis.
- Ensuite, ramenez vos pointes au quai pour ne pas trop peser sur les amarres des autres bateaux et préserver leurs taquets.
- Enfin protégez vos coques du frottement des défenses en intercalant des toiles le long de la coque, ou utilisez des housses de pare-battage.
Protéger ses amarres : combattez le ragage
Vos amarres ne sont pas de simples cordages; elles sont les liens vitaux qui maintiennent le voilier à son havre. Les protéger, c’est assurer une défense supplémentaire contre les forces brutales de la nature.
Utilisez des amortisseurs d’amarres pour absorber les chocs des rafales et des vagues. Comme des ressorts, ils allongent la durée de vie de vos amarres en leur donnant la flexibilité nécessaire pour encaisser sans rompre. N’oubliez pas d’en installer sur vos amarres traversières, qui subissent les chocs les plus violents.
Assurez-vous que vos amarres ont assez d’élasticité pour s’adapter aux mouvements brusques du voilier. Évitez les vieux cordages raidis par le sel, qui peuvent provoquer une rupture soudaine aux points d’ancrage. Et protégez vos amarres des frottements avec des gaines ou des tuyaux pour éviter l’usure aux points de contact.
Comment bien amarrer votre voilier
La tempête Ciaran a mis en évidence la nécessité d’un schéma d’amarrage réfléchi, capable d’absorber l’énergie des vagues et du vent sans faillir. L’organisation des amarres ne doit rien laisser au hasard et doit être adaptée à la situation spécifique de chaque voilier et de chaque port.
Inspectez soigneusement les taquets et les anneaux sur votre bateau et sur le quai. Tous les points d’ancrage doivent être solides, sans jeu, et capables de résister à une forte traction.
Prévoyez suffisamment de points d’attache pour répartir la charge et éviter de trop solliciter un unique point. Utilisez à la fois des gardes montantes (elles empêchent le bateau d’avancer) et descendantes (elles l’empêchent de reculer), ainsi que des pointes pour maintenir le voilier stable et centré dans son emplacement.
Même si cela peut paraître contre-intuitif, ne tendez pas trop les amarres traversières, voire supprimez les si c’est possible, pour éviter le risque d’arrachement des taquets. L’essentiel de la charge doit porter sur les gardes et les pointes qui elles travaillent plus en souplesse.
Il existe selon les configurations beaucoup de schémas d’amarrage, à ce sujet je vous renvoie ici à cet excellent article bien illustré de mon ami Florian.
Les nœuds : Chaque nœud doit être exécuté de manière à tenir fermement sous tension, mais aussi à pouvoir être dénoué rapidement si besoin. Les nœuds marins classiques, tels que le nœud de cabestan ou le nœud de chaise, sont à privilégier pour leur fiabilité et leur résistance sous charge. Il est essentiel de s’assurer que chaque nœud est bien serré et sécurisé.
Vérifier les bateaux voisins : une garantie collective
À l’approche de la tempête Ciaran, la vigilance ne se limite pas aux limites de notre propre embarcation. Observer attentivement les bateaux voisins et leurs préparations n’est pas seulement courtois, c’est une étape cruciale pour protéger son propre voilier.
- Un tour d’horizon des amarres et des équipements sur les bateaux adjacents permet d’identifier les potentiels risques. Les bateaux mal sécurisés peuvent rompre leurs amarres, et dans le chaos d’une tempête, ils peuvent heurter votre propre bateau, causant des dommages importants.
- Si vous repérez des insuffisances, il convient d’en informer immédiatement la capitainerie ou de contacter les propriétaires si possible.
- Prévenez les incidents : Dans certains cas, avec l’autorisation et si les conditions de sécurité le permettent, apporter une aide directe pour renforcer une amarre ou ajuster un pare-battage peut prévenir les accidents.
En prenant ces mesures, non seulement vous contribuez à la sûreté du port, mais vous établissez aussi une ligne de défense contre les dommages indirects causés par les autres navires. Une bonne préparation inclut donc la vérification des préparations des autres pour que, lorsque la tempête bat son plein, vous puissiez compter sur un environnement sécurisé autour de votre voilier.
Partagez vos histoires et vos astuces
Votre voilier est paré pour affronter la tempête, et vous pouvez dormir tranquille, fort des mesures prises. Il est temps de relâcher la pression, en acceptant que certains éléments restent hors de notre contrôle.
Maintenant, c’est à vous de prendre la barre : partagez vos propres rituels d’avant-tempête et vos conseils d’amarrage, ou racontez-nous comment vous avez bravé les vents et vagues capricieux. Ensemble, enrichissons notre communauté de marins avec des connaissances qui nous mènent vers des navigations toujours plus sereines. Commentez ci-dessous et naviguons ensemble vers des eaux plus calmes.
4 Comments
yannick
Bonsoir Katell,
Merci pour cet article très instructif. Je me posais justement la question au moment de la tempête, même si je n’ai pas encore de bateau. Mais il est vrai pour moi, que vu la puissance et la fréquence des évènements climatiques ces derniers temps, çà refroidi un peu. D’où mon besoin d’apprendre et toujours apprendre pour faire le premier pas et les suivants.
Sinon, je n’ai pas tout compris (car débutant) sur la proposition de Dom. Est-il possible de rajouter une photo ou un dessin sur ton article ?
Bon en tout cas j’ai bien pensé à toutes celles et ceux qui avaient leur bateau dans le sillage de la tempête. J’espère qu’il n’y a pas eu trop de casse.
A ce propos, si j’ai bien compris, tu parles principalement de la protection de la coque et des voiles et autres accessoires mobiles, mais qu’en est-il du mat, des barres de flèches et des haubans et autres étais ? Peuvent-ils se choquer, s’entremêler les uns aux autres, voire casser quand les bateaux sont au port correctement amarrés lors d’une tempête ?
Merci.
Yannick à Die
Katell
Voilà je t’ai fait un beau dessin pour illustrer la proposition de Dom 🙂
Quand aux gréements qui s’entrechoquent, cela peut arriver si on amarre des voiliers à couple et que la houle entre dans le port ou le mouillage. C’est particulièrement vrai dans les amarrages à couple autour d’une tonne ou sur une bouée. pour limiter le risque, prendre la météo, et décaler systématiquement les bateaux pour que les haubans ne puissent pas se toucher en cas de roulis.
Callens Philippe
Bonjour, un jour nous n’avions pas pu faire autrement que d’être à couple, et pour éviter les problèmes des haubans qui s’entrechoquent, nous avons mis les voiliers « tête-bêche »…
Ca a bien fonctionné pour nous …
Ps) Tu nous partages toujours d’excellentes informations et c’est toujours intéressant, même, à les nous rappeler…
Yannick
Merci Katell pour ce beau dessin explicite, ainsi que des autres infos.