naviguer sou spi à deux
Apprendre à naviguer

Naviguer à deux: qui fait quoi?


Avez-vous la chance de partager votre passion avec votre moitié?

Voilà une situation qui fait envie à nombre de marin obligés de rester à terre pour préserver la survie de leur couple.

Mais comment s’organisent ceux qui naviguent à deux?

En école de croisière on apprend à mener un voilier en équipage de 5 ou 6 personnes. Or le partage des responsabilités sur un voilier en couple peut-être très différent de cette organisation héritée de la marine à voile.

Conduite du voilier, travaux de maintenance, tâches domestiques, pêche, baignade, lecture, les occupations ne manquent pas en croisière. Posons tout de suite l’enjeu pour cet équipage très particulier qu’est le couple: que chacun y trouve plaisir sans sacrifier à la sécurité de la navigation.

Pas si simple quand souvent les compétences et les attentes diffèrent.

Découvrons comment construire un véritable projet de navigation à deux, dans le respect des aspirations et des différences de chacun. Nous verrons aussi que la question peut se poser presque dans les mêmes termes pour un couple d’amis!

La conduite et l’entretien du voilier

Plusieurs cas typiques s’observent.

1.Le skipper mène son voilier comme un solitaire. L’équipier-e se concentre éventuellement sur les tâches domestiques.

2.Le skipper décide des manœuvres et des travaux d’entretien/réparation mais les exécute avec son matelot.

3.Skipper et équipier-e sont capables de décider et d’exécuter seuls ou ensemble la plupart des manœuvres mais les situations complexes et le plan de navigation restent sous la responsabilité du skipper.

4.Un véritable co-skippage se met en place où chacun est autonome et confiant dans les décisions de l’autre.

Les situations intermédiaires sont les plus courantes. Voyons quels sont les enjeux derrière ces choix d’organisation. Sont-ils dictés par une forme d’évidence ou bien relèvent-ils d’une réflexion commune? Peuvent-ils évoluer? Comment alors, et dans quel sens?

L’autonomie de chacun, une question de sécurité et de plaisir

Dans les 4 configurations que je viens de citer, l’autonomie de l’équipier progresse jusqu’à ce que les deux membres de l’équipage soient en mesure de skipper le bateau. Cette dernière possibilité est un rêve pour certains et un cauchemar pour d’autres.

 Si tu veux couler un bateau, donne lui deux capitaines ?

Cela peut arriver lorsque les deux skippers ne partagent pas du tout les mêmes conceptions de la navigation. Mais même si vous faites naviguer ensemble un régatier passionné avec un plaisancier des plus épicuriens, il est probable que chacun apprenne beaucoup de l’autre. Il faut seulement que l’objectif de la croisière soit bien établi et sans doute quelques concessions de part et d’autres. Ainsi on peut très bien décider de courir le Télégramme Tresco Trophée en se protégeant des embruns derrière une capote, même si celle-ci est une insulte à l’aérodynamisme du voilier. A vous de voir, ça se négocie…

 

Par contre si vous ne supportez pas du tout que votre équipier-e barre approximativement au près en croisière, vous en resterez probablement à la 1e configuration.

Entre les deux, le plus avancé de l’équipage peut transmettre à l’autre son savoir, pour peu que ce dernier en ait envie.

Partager ses connaissances

Si tel est le cas, le skipper appréciera de pouvoir s’appuyer de plus en plus sur son équipier-e. Il pourra plonger avec délice dans une longue sieste sans craindre de s’échouer sur le premier récif venu. En cas de durcissement des conditions météorologiques, il ne sera pas obligé de veiller toute la nuit tout seul attaché dans le cockpit.

Enfin, si par malheur il tombe à l’eau, la compétence de son équipier-e lui laissera une chance d’être sauvé…

La sécurité de l’équipage passe bien sûr par l’initiation des deux!

Et d’ailleurs tel est le souhait de beaucoup d’équipier-e-s qui n’auraient pas choisi de naviguer si l’autre ne l’y avait pas poussé. En général le matelot veut gagner en compétence pour seconder efficacement son partenaire, voire le remplacer provisoirement s’il se blesse ou tombe malade.

Parlons un peu de plaisir et d’encouragements

L’incompétence alimente les peurs et les doutes des équipiers peu à l’aise avec la mer. Le simple fait de comprendre d’où vient le vent et pourquoi le bateau gite contribue à les rassurer un peu. Alors imaginez s’ils ou elles prenaient quelques cours de voile…

plaisir de naviguer

Sa maîtrise du voilier est source de plaisir pour le skipper. Il peut jouer avec son bateau, les réglages, le bricolage, le choix de la route et des mouillages. Il se sent libre d’aller où il veut parce qu’il sait comment faire. Il perçoit et analyse spontanément, avec ses sens, son corps, les mouvements et les bruits du bateau. Il est fier tout simplement de mener sa barque avec habileté.

Il en va de même pour celui qui apprend. Même si les sources de déplaisir sont nombreuses au début: le mal de mer, le froid, l’inconfort, la peur de mal faire et la peur tout court. Chaque compétence acquise l’éloigne de ces désagréments et le rapproche du bonheur de naviguer.

Alors cela ne vaut-il pas la peine de l’encourager encore et encore à apprendre?

Si vous n’en êtes pas encore convaincu, je vous invite à lire ceci: 10 raisons pour lesquelles votre femme n’aime pas le bateau

La vie quotidienne à bord

Concernant la vie quotidienne à bord, pour les couples le partage des tâches découle souvent de l’organisation déjà en place à la maison. Une personne qui ne cuisine jamais à terre ne va probablement pas s’y mettre en mer. Cependant les spécificités de la vie en bateau, surtout en navigation hauturière avec la tenue de quarts, peut modifier des habitudes qui semblaient immuables et amener plus de coopération dans des domaines jusque là réservés.

naviguer et cusiner à deux

L’important est que chacun trouve une place qui le valorise et lui donne suffisamment de plaisir pour avoir envie de continuer.

Qu’importe alors si c’est toujours le/la même qui fait la lessive pourvu que l’autre se préoccupe de la vidange et de l’entretien de la carène?

En fait, cela dépend des équipiers. Les tâches non créatives, dont le résultat ne se remarque pas particulièrement, ne sont pas très valorisantes. Celles-ci ont donc plutôt intérêt à être partagées. La vidange s’effectue toutes les 50 ou 100 heures de moteur. Le carénage permet, une ou deux fois l’an, de discuter voile et de montrer son beau voilier aux occupants de la cale. Entretemps combien de lessives? Attention donc de ne pas créer de déséquilibre qui à terme finirait par miner un couple ou une belle amitié. Un minimum d’entraide, de dialogue et de coopération s’impose donc.

Ceci nous amène à deux situations bien connues des personnes qui connaissent les vicissitudes de la vie conjugales.

Rivalité ou complémentarité?

La rivalité, véritable poison du couple comme de l’amitié, peut en plus représenter un danger pour la navigation. La mer est par moment un élément hostile, qu’il s’agit d’aborder avec unité, solidarité et coordination. Quand le vent monte il n’est pas possible de se lancer dans d’interminables palabres pour savoir si on doit prendre un ris, deux ris ou rentrer à la maison tout de suite.

Ici la rivalité empêche l’équipier-e de faire confiance au skipper. Elle exclue également toute possibilité de co-skippage serein. Confiance et bienveillance réciproques sont indispensables à la réussite de la croisière. A tout point de vue: plaisir et sécurité.

Pour autant rien n’empêche que chacun exécute les mêmes tâches que l’autre ou dispose des mêmes connaissances. Bien au contraire, quand les deux membres de l’équipage sont également compétents cela peut-être extrêmement rassurant pour chacun. Si l’un défaille, l’autre assurera!

La complémentarité relève d’une distribution plus ou moins exclusive des compétences entre les membres du couple. Elle est souvent érigée en idéal parce que justement elle permet de limiter le risque de concurrence. Chacun trouverait ainsi sa place, sans empiéter sur celle de l’autre. L’une excelle dans la réparation des voiles à l’aide de sa machine à coudre. L’autre est un as de la voltige dans le gréement. Voyez ce récit où ce type d’équilibre semble fonctionner parfaitement.

Sincèrement je ne crois pas que la complémentarité des compétences puisse réduire la rivalité quand elle existe. Ce sont deux problèmes différents. La rivalité découle presque toujours d’un sentiment de manquer de reconnaissance de la part de l’autre… ou du monde extérieur.

Vous pouvez donc être complémentaires au plan des compétences, et en rivalité sur celui de la reconnaissance sociale. Ou pas. Ou l’inverse.

Il n’en reste pas moins qu’il faut beaucoup de compétences pour mener et entretenir un voilier. Au fil des années de pratique, un marin peut les acquérir plus ou moins en profondeur, mais même ainsi il ne pourra pas tout apprendre. On a toujours besoin d’un autre, ne serait-ce que pour tenir un écrou sous le pont pendant qu’on visse par l’extérieur!

Construire un projet de navigation à deux

La bonne solution n’existe pas une fois pour toute. Chaque couple, chaque binôme à ses codes, sa manière de fonctionner et ses raisons d’exister.

Ce qui est certain en revanche: vos compétences respectives et vos aspirations initiales seront à la base de vos choix d’organisation.

Naviguer à deux suppose une distribution logique des rôles, mais dans le respect des attentes de chacun. En couple, vous pouvez décalquer vos habitudes domestiques ou bien tenter une nouvelle expérience qui redistribue les rôles. Dans cette dernière option vous vivrez deux voyages en une seule croisière.

Vous voulez savoir si vous êtes sur la bonne voie?

Si vous vous guidez sur le plaisir de chacun et la sécurité de vos navigations, vous ne pouvez pas vous tromper!


12 Comments

  • dominique Toulemonde

    Bonjour, j’ai lu votre article sur la navigation à deux. Un petit mot sur mon expérience: je suis la femme ET le skipper : en effet je fais de la voile depuis plus de 40 ans, principalement en croisière. Mon mari a heureusement pris gout à la plaisance mais sans expérience autre qu’un peu de voile légère. Alors naturellement je suis devenue la skipper. Au fil des années il a emmagasiné de l’expérience et m’a poussé à acheter notre propre bateau. Petite à petit il s’est approprié la navigation et tout ce qui touche au moteur et à l’electricité. Pour ma part je reste celle qui aime barrer et manoeuvrer par tous les temps, discuter avec les chantiers de réparations.

    Je suis très heureuse que mon mari prenne sa part de tâches et s’implique dans certains domaines. Il accepte sans état d’âme que je fasse les manoeuvres de port mais je sens que parfois son égo masculin en prend un coup …. alors le secret de la navigation à deux c’est le partage, oui certainement mais aussi l’écoute pour ne froisser personne . Ce dont les skippers masculins ne se préoccupent pas trop : froisser l’égo de leur femme n’est pas leur préoccupation principale. je suis toujours choquée par les invectives que doivent supporter certaines pendant les manoeuvres ….

    bonne navigation à toutes et surtout encouragez les femmes à prendre des initiatives !

    bon vent

  • éric

    toujours des articles sympa. nous avons lu celui là pour le plaisir. j’ai commencé à apprendre à naviguer ensemble avec ma femme et nous continuons à apprendre ensemble. l’idée étant de pouvoir être interchangeable, réactif, et efficace, non seulement pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des raisons de plaisir partagé, et de communion sur la mer .

  • Hélène

    Très bon article, Katell! C’est plein de bon sens et encourageant. J’aime les sujets de tes articles. Je les trouve super pertinents. Merci!

  • Aladin

    Très bon article. Je rajouterai qu’on a tous des qualités et des défauts (sauf moi qui n’ai que des qualités) et que dans la promiscuité d’un bateau il faut toujours regarder les qualités et relativiser les défauts.
    Et pour les machos, se souvenir que gueuler est le premier signe d’incompétence, et ça dénote généralement un manque de préparation, ce qui est la responsabilité du skipper.

  • ALEXIS Philippe

    Bonjour,

    J’ai 68 ans et navigue depuis presque 60 ans. Sans bateau, j’ai skippé et emmené plusieurs fois femme, enfants (4) et chien avec ou sans couple ami passer des vacances en bateau. A la retraite nous avons acheté un bateau ancien de 34 pieds et mon envie de naviguer plus que 2 ou 3 semaines par an est vite montée, mais ma femme pas aussi passionnée de navigation avait du mal à suivre le rythme.
    J’ai dû trouvé un compromis : des navigations plus paisibles sur 10 à 15j en équipage : c’est à dire recruter sur Vog Avec Moi un équipage (souvent un couple) qui serait d’accord sur un programme de navigation et un rythme, à raison de 3 à 5 semaines/an. Depuis plusieurs années cela fonctionne et quand le niveau technique de l’équipage accueilli n’est pas très haut c’est ma femme qui monte en compétences et en confiance … jusqu’à partir seuls tous les 2 ? Pas sûr !
    Et cette montée en compétence est bienvenue et elle en est fière.
    Mais la convivialité de la co-navigation fait aussi partie du plaisir de la découverte. Il y a bien eu quelques déconvenues sur l’équipage embarqué sans que cela ne remette en cause ces paris successifs que sont des co-navigations de longue durée.
    Quand le programme de navigation prévu, est dur (temps, température, bassin de navigation), ma femme me laisse y aller seul, si ça ne dure pas trop longtemps. Et pour l’entretien c’est pareil, c’est moi qui m’y colle, seul!

    • Katell

      Merci beaucoup Philippe de partager cette riche expérience de conavigation réussie! C’est très encourageant pour ceux qui hésitent encore. Tu as résolu la difficile question de trouver un équipage fiable et régulier semble t-il.

      • ALEXIS Philippe

        Non malheureusement je n’ai pas d’équipage régulier et fait souvent des paris sur des équipages inconnus, mais c’est le prix à payer pour espérer naviguer.
        J’ai fait le choix de la co-navigation systématique et je m’en donne les moyens : programmes de navigation clairs, sélection des équipiers, statut de Super co-navigateur chez Vog, … et parfois renoncement ou report si je n’ai pas l’équipage.

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