Mouillage à l’île de Bréhat, la perle des côtes d’Armor
Pour ce 13e week-end de croisière en Bretagne j’ai voulu prendre un mouillage autour de l’île de Bréhat. Je ne connais pas du tout cette zone de navigation. Je vais donc vous montrer comment construire un plan de navigation dans une zone que vous ne connaissez pas encore.
Pourquoi choisir la baie de Saint Brieuc?
Il y a au moins trois raisons à cela. La première est que nous avons fait le tour des principaux mouillages de mer d’Iroise. Il en reste quelques uns, moins connus, mais qui demandent des conditions de navigation spécifiques. Quand elles seront là, je ne manquerait pas de vous partager mes derniers secrets.
La seconde raison est qu’en ce début de janvier, la météo en Bretagne n’est pas très engageante pour le marin. Beaucoup de houle était attendue dans la nuit de samedi à dimanche sur toute la façade atlantique. Windy annonçait des creux jusqu’à 3 mètres aux Glénans. Les seules zones navigables dans de bonnes conditions s’étendaient au nord est de Belle-île pour l’une, depuis la baie de Saint Brieuc jusqu’au mont Saint-Michel pour la seconde. La baie de Saint Brieuc et ses abords sont bien protégés des vents d’ouest. Une image vaut mieux qu’un long discours, regardez.
J’ai aussi voulu me challenger un peu, c’est pourquoi j’ai choisi la seconde où je n’ai encore jamais navigué. Honte à moi d’ailleurs, en 30 années de croisière au départ de Brest! En consultant les documents de navigation et les photographies des mouillages j’ai compris mon erreur, et je me promets de la réparer rapidement! A quoi bon chercher l’aventure à l’autre bout de la planète quand de magnifiques mouillages se nichent à quelques pas de chez nous?
Alors, maintenant que nous avons notre zone de navigation comment fait-on pour établir un plan de navigation?
Commençons par prendre connaissance de la météo et des marées.
Nous voyons que le vent de sud-ouest sera maître de nos choix. Les marées également car les coefficients sont importants. Le marnage ici est bien plus important qu’à Brest. Près de 10 mètres entre la basse mer et la haute mer, ce n’est pas un point de détail! Un gros marnage implique de bien choisir son mouillage, mais aussi de s’attendre à de forts courants de marée.
La seconde étape consiste à regarder la carte.
Je vais chercher à naviguer à l’abri des rafales de sud-ouest, et si possible éviter d’avoir à tirer des bords à l’aller ou au retour. Pour la démonstration j’ai aussi choisi un port de départ qui me facilite la tâche. En effet aux abords de la Manche, le marnage est tel que beaucoup de ports ne sont pas accessibles à tout moment de la marée.
Vous trouverez ainsi des ports d’échouage, réservés uniquement aux bateaux qui peuvent se poser. Des ports à seuil: ce sont des bassins dont l’accès est protégé par un mur construit sur le fond à une hauteur suffisante pour conserver les bateaux à flot à basse mer. Ils sont parfois dotés en plus d’une porte comme celles des écluses qui n’est ouvertes qu’aux alentours de la pleine mer. Pour entrer ou sortir il faut attendre qu’il y ait suffisamment d’eau au-dessus du seuil pour votre bateau. Enfin des ports à flots généralement situés près de l’embouchure de rivières dont l’accès est protégé par des écluses.
Pour ce tuto nous partirons de Saint Quay port d’Armor qui est un port à flot accessible en permanence.
Nous continuerons à naviguer sur Utopia, notre voilier de 31 pieds doté d’un tirant d’eau d’1.70m. Il est clair qu’un dériveur ou un voilier biquille serait plus approprié dans une telle zone en navigation côtière. Cependant la plupart des plaisanciers naviguent à bord de quillards. Quant aux autres, ils échouent peu leurs bateaux, même quand c’est possible. Je vais donc attendre d’avoir fait le tour des mouillages accessibles en Bretagne avec un quillard pour me pencher sur les joies et les peines de l’échouage.
Voici donc la carte de notre terrain de jeu pour ce week-end d’hiver. Les îles anglo-normandes: Jersey, Guernesey, Sark et Chausey, sont hors champ, plus au nord et à l’est mais accessibles dans un rayon de 50 milles maximum. Je ne les oublierai pas dans de prochains tutos.
Port d’armor se situe sur la côte ouest de la baie de Saint Brieuc, la côte est orientée suivant une ligne sud-est/nord ouest. En la suivant nous resterons abrités de la mer et des rafales de sud-ouest, et nous pourrons naviguer au débridé pendant tout le week-end. A l’extrémité nord de la côte, nous trouvons un des joyaux des côtes d’Armor: l’île de Bréhat recèle de magnifiques mouillages.
La principale difficulté est liée au marnage et au secteur du vent.
Pourrons nous trouver un mouillage abrité d’ouest à sud-ouest et suffisamment profond pour passer la nuit à Bréhat?
Pour le savoir, il faut déjà zoomer pour voir les mouillages sur la carte de Bréhat. Ensuite nous pourrons nous référer aux guides nautiques ou bien à Navily pour connaître les observations des autres plaisanciers concernant ces mouillages.
Déjà nous pouvons constater que le coin est assez mal pavé. Par ailleurs l’étroitesse des chenaux augure de courants importants. L’application Juzzy m’a confirmé qu’il pouvait y avoir jusqu’à 3 noeuds de courant ce week-end en milieu de marée dans ces chenaux.
J’ai retenu 3 mouillages potentiels, plus ou moins bien abrités du sud-ouest.
Le plus abrité d’après la configuration de la côté serait celui de l’anse de Pommelin, à l’ouest. Mais pour visiter l’île il est trop loin. Il peut convenir en revanche pour y passer la nuit. Si par malheur le bateau dérapait, avec du sud-ouest, nous aurions un peu d’eau à courir pour rétablir la situation.
Celui du nord n’est pas protégé du vent, mais seulement de la mer et encore, si le vent passe à l’ouest il faudra être bien enfoncé dans l’anse pour ne pas être gêné en plus par le clapot. A dire vrai dans cette configuration je n’oserai pas laisser mon voilier sur ancre sans surveillance.
Au sud-ouest de l’île j’ai repéré une petite zone d’eau profonde. Situé aux abords du chenal entre Bréhat et l’île de Raguenes, ce mouillage est probablement exposé à un courant de marée assez fort. Rappelez-vous: les passages étroits sont toujours des facteurs d’accélération des courants de marée. l’endroit est protégé des vents d’ouest par de nombreux ilots.
Pour m’aider à décider j’ai regardé les commentaires sur Navily.
J’obtiens confirmation que le mouillage de Pommelin est le plus sûr. Celui du nord de Bréhat, appelé la Corderie n’est pas du tout protégé des vents ouest. Il est interdit d’y jeter l’ancre mais des bouées de mouillages y ont été installées à l’entrée. Enfin c’est semble t-il un des plus beaux mouillages de Bréhat.
Le dernier mouillage n’a pas de nom. Les usagers signalent que le courant y est important. L’application indique qu’il est protégé de tous les vents sauf vent de nord et de sud-est. Enfin un câble sous-marin parcourt le fond. Quoiqu’il en soit avec ce vent, il me semble qu’il soit le meilleur mouillage autour de l’île de Bréhat si nous voulons débarquer. Il paraît même assez abrité pour y passer la nuit.
Pour achever de me décider j’ai consulté la vue satellite de ce mouillage à Bréhat sur Google Maps.
On y voit deux voiliers à l’ancre sur les bords du chenal et un quai qui devrait permettre de débarquer. Il faudra placer un orin sur l’ancre au cas où elle se prenne dans un câble. nous aurons également besoin d’un bon moteur d’annexe pour débarquer malgré le courant. Et dernière remarque: afin de faciliter l’accès à ce mouillage, nous essaierons d’y arriver aux alentours de l’étale de basse mer. Ainsi si nous nous échouons, nous n’aurons pas longtemps à attendre pour flotter, et nous ne serons pas gênés par le courant.
Voici donc ma proposition de plan de navigation entre Saint Quay et l’île de Bréhat.
Nous visons une arrivée au mouillage à Bréhat à 14h. La marée descend, nous aurons le courant et le vent avec nous. Nous pouvons donc miser sur une moyenne de 7 noeuds. Il nous suffit de partir vers 11h30. Si nous voulons naviguer le matin, il est possible de mouiller le long de la côte pour déjeuner par exemple à l’anse de Bréhec. Une autre possibilité serait de contourner l’île par le nord pour admirer le paysage. En ce cas il faudra probablement s’aider du moteur dans les chenaux.
Enfin si passer la nuit au mouillage ne vous enchante pas, il est tout à fait possible de remonter la rivière jusqu’au port de Paimpol avec le jusant. Cela vous rajoutera 6 milles nautiques. Les portes des écluses sont ouvertes 2h30 avant et après la pleine mer. A mon avis il vaut mieux téléphoner à la capitainerie (02 96 20 47 65) avant d’arriver pour vous assurer qu’on vous ouvre les portes. Vous repartirez le lendemain dans la matinée avec la marée descendante et le vent portant dans la rivière.
Tout ceci me donne très envie de louer un voilier pour découvrir cette jolie côte! Peut-être même un dériveur ou un biquille! Qui a déjà mouillé à Bréhat?