De Saint Malo à Chausey, 130 îlots pour un voilier
Sur les brochures touristiques nous pouvons lire que l’archipel de Chausey compte 365 îles et îlots. C’est du folklore, du boniment à touristes. Chausey n’a pas besoin du calendrier grégorien pour séduire le marin. Le temps d’un week-end en voilier depuis Saint Malo, je vous propose de mouiller dans le sound de Chausey, au pied du village des Blainvillais. En plein hiver, et part une bonne brise de sud-ouest. Nous serions seuls au mouillage, et peut-être aurions nous le privilège de rencontrer l’un ou l’autre des 10 habitants de l’île.
Chausey n’est pas en Bretagne?
Je sais, j’avais écris que je proposerai 52 idées de croisière en Bretagne. Oui, l’archipel de Chausey est normand. Incontestablement. Mais Saint-Malo est bien bretonne, et ce n’est pas près de changer. En plus il serait ballot de se priver d’une si jolie navigation en voilier pour des considérations administratives. Les oiseaux, les homards et les dauphins se moquent bien de savoir s’ils se promènent en Bretagne ou en Normandie. Suivons les, je parie qu’ils nous ouvriront la route pour nous en mettre plein les mirettes.
En réalité ce défi est intenable. Découvrir un nouveau port chaque week-end de l’année en naviguant le samedi et le dimanche s’avère très compliqué quand les dépressions se succèdent sur la façade Atlantique. Les jours de mauvais temps, j’ai découvert en Bretagne deux zones qui permettent quand même de sortir en voilier sans risquer sa vie et celle des sauveteurs en mer. Il s’agit de la rade de Brest et de la zone comprise entre Bréhat et Saint-Malo précisément. Il en est même une troisième dont je n’ai pas encore parlé qui serait le golfe du Morbihan. Une image vaut mieux qu’un long discours, regardez par exemple ces prévisions de houle pour la nuit du samedi au dimanche:
Vous voyez un petit bug sur cette image, car il n’y a jamais 4m de houle dans la rade de Brest. Le logiciel ne tient pas toujours compte précisément de la configuration de la côte.
L’autre contrainte que je me suis fixée est de naviguer le plus possible avec le vent et le courant. Or là le vent est de sud-ouest tout le week-end. La solution serait donc de naviguer plus ou moins travers au vent, ou bien au largue dans un sens et au près dans l’autre, mais sans louvoyer.
Bon, en partant de Granville cela aurait été possible, mais nous ne sommes plus du tout en Bretagne et puis Granville n’est qu’à 8 milles de Chausey en voilier. En choisissant Saint-Malo, je commets donc une entorse à la règle habituelle, car il faudra bel et bien tirer des bords au retour.
Il reste à prendre les marées en considération car cette zone est celle où le marnage est le plus élevé en Europe! D’ailleurs si vous voulez en savoir plus à ce sujet je vous invite à lire cet article très complet sur les marées.
Alors, que nous dit marée.info?
Bonne nouvelle, nous naviguerons en morte-eau!
Ce qui ne signifie pas que le marnage soit insignifiant, ni les courants de marées. Mais l’avantage est que nous pourrons sortir du port de plaisance des Sablons quand il nous plaira, ou presque!
Comment entrer ou sortir d’un port à seuil
Il s’agit d’un port à seuil, lequel rajoute un obstacle à 2.00m au dessus du zéro des cartes.
Pour savoir si notre voilier peut entrer ou sortir du port des Sablons, nous devrons donc avoir une hauteur d’eau supérieure ou égale à notre tirant d’eau + la hauteur du seuil + un pied de pilote.
HE >ou = TE+Hseuil+PP
Dans ces tutos, je considère que nous naviguons à bord d’un Océanis 31, avec un tirant d’eau d’1,70m. Prenons un pied de pilote de 50cm. Il nous faut donc une hauteur d’eau minimale de 4.20m pour passer avec certitude. Sans pied de pilote, c’est 3,70m, mais il est aussi très risqué de s’en passer. Quoiqu’il en soit la plus basse mer du week-end, le samedi matin, offre une hauteur de 3,88m à Saint-Malo. Le marnage est de 9.73-3.88=5.85m ce qui nous donne 1/12e à 48cm. Une heure après la basse mer, ou à BM+1h, nous aurons donc 3.88+0.48=4.36m
Vous pouvez également vous référer aux tables données sur le site du port des Sablons pour connaître les heures de passage au-dessus de seuil. Cependant faites attention: ces tables sont calculées pour un tirant d’eau d’1.70m !
Voyons maintenant la route que nous suivrons. Le coin est pavé de rochers, il s’agit donc de bien respecter les chenaux. Comme d’habitude, j’ai tracé la route sur Open CPN, qui est un logiciel de cartographie et routage open source et gratuit. Le balisage est suffisamment fourni pour ne pas se perdre.
Nous avons 17 milles à parcourir avec le vent portant, sous spi pour les plus expérimentés, sous génois tangonné pour les autres. Il est possible également de tirer des bords de largue jusqu’à Chausey si votre voilier est vraiment plus performant à cette allure. Bref, amusez-vous!
A l’arrivée dans le Sound de Chausey, vous trouverez une zone de mouillage pour votre voilier avec des bouées visiteurs. Vous y serez abrité du vent de sud-ouest par Grande-île. Cette zone de mouillage est réglementée, reportez-vous à cette page pour des informations détaillées.
Prenez votre annexe en toute sécurité
Je suggère de partir assez tôt pour avoir le temps de vous promener en annexe dans l’archipel avant de vous dégourdir les jambes sur grande-île. Les courants dans l’archipel n’étant pas une légende, en plus du vent de sud-ouest, il est souhaitable de prendre quelques précautions avec l’annexe.
A Chausey, la promenade et les aller-retours à terre en annexe s’effectuent avec:
- un moteur hors-bord,
- des rames en secours,
- un mouillage,
- des gilets de sauvetage
- et un téléphone, ou une VHF dans une housse étanche.
Le lendemain partez assez tôt car au louvoyage vous aurez le double de route à parcourir. 35 milles au près minimum avec des voiles bien plates et un bon barreur. La voile n’est pas que de la promenade de plaisance, elle est aussi un sport!